Ardent défenseur de l'équité fiscale pour les détaillants, le président-directeur général de la Maison Simons, Peter Simons, accueille avec résignation les dispositions de l'Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) concernant le commerce en ligne.

Ce traité tripartite, qui remplace l'Accord de libre-échange nord-américain, prévoit notamment que le seuil de minimis pour les achats en ligne effectués au sud de la frontière - le montant maximum pour qu'un produit soit exempté de taxes - passera de 20 $ à 40 $. Cela demeure toutefois inférieur au plafond de 800 $ souhaité par Washington.

De plus, le seuil minimal sans frais de douane sera de 150 $, comparativement à 20 $ auparavant.

Depuis le début de la semaine, les différents acteurs du secteur canadien du commerce de détail ont réservé un accueil plutôt tiède à ces deux dispositions.

Sans aller jusqu'à jeter la pierre aux négociateurs canadiens ainsi qu'au gouvernement fédéral, M. Simons n'a pas caché, jeudi, au cours d'une entrevue téléphonique, que ces nouvelles règles étaient loin d'être idéales.

«J'accepte, mais je ne pense pas que cela va dans la bonne direction, honnêtement, a-t-il laissé tomber, sans toutefois laisser entendre que cela risquait de freiner la croissance de Simons. Je demande simplement une équité fiscale. J'espère juste que l'on peut y arriver sans trop de dommages.»

Le grand patron du détaillant québécois y est allé de cette analyse à l'occasion du lancement, à Montréal, d'une nouvelle plateforme de ventes en ligne appelée «Fabrique1840» - un nom qui fait référence à la naissance de l'entreprise familiale, qui a vu le jour en 1840, sur la côte de la Fabrique, à Québec.

Achat responsable?

Cette initiative de Simons vise à mousser les ventes en ligne, tout en prélevant les taxes de vente, des produits d'artisans de partout au pays qui se spécialisent dans un éventail de domaines, comme les objets décoratifs, les accessoires de mode ainsi que la papeterie. Le détaillant, qui a déployé sa propre plateforme de commerce en ligne en 2010, souhaite mettre son savoir-faire au service de la cinquantaine d'artisans sélectionnés pour faire partie de «Fabrique1840». Cette plateforme sera accessible sur la page d'accueil du site web de Maison Simons.

Accompagné de Cécile Branco, la directrice de «Fabrique1840», l'homme d'affaires a dit espérer que ce genre d'initiative incitera les consommateurs à se tourner vers des plateformes d'achat en ligne où l'équité fiscale sera respectée.

«Ma clientèle est plus jeune et donc peut-être que je suis capable de voir la sensibilité qui commence à naître dans cette génération pour un intérêt à consommer d'une façon plus responsable, plus locale, a analysé M. Simons. De plus en plus veulent opter pour une valeur ajoutée avec une compréhension d'où vient le produit.»

Le dirigeant de Maison Simons et Mme Branco ont estimé que «Fabrique1840» allait permettre à des plus petits artisans et commerçants de se faire une place sur le web, actuellement dominé par quelques plateformes, comme le géant Amazon.

D'autres préoccupations

Dans la foulée de la conclusion de l'AEUMC, le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) a rappelé qu'une iniquité persistait toujours dans le secteur, estimant à 158 millions $ les pertes annuelles pour le gouvernement québécois liées à la non-perception des taxes en ligne sur les biens tangibles.

Tout en se gardant de critiquer le gouvernement fédéral, Canadian Tire, l'un des plus importants détaillants au pays, a dit s'attendre à ce qu'Ottawa «crée des règles du jeu équitables en accordant le même traitement aux détaillants canadiens».

Au Québec, le dernier budget déposé au printemps prévoyait un projet-pilote visant à ajouter des employés de Revenu Québec au centre de tri de Postes Canada situé à Montréal afin de mieux percevoir la TVQ sur les objets achetés en ligne à l'étranger.

«Il faut comprendre que les taxes et les droits de douane doivent être prélevés au domicile du consommateur», a estimé M. Simons.