Le projet d'achat d'Imvescor par MTY -une offre de 248 millions- a été mal reçu par les investisseurs des deux groupes. Cinq enseignes, dont Mikes, Bâton Rouge et Scores, changeront-elles de main?

Le colosse québécois de la restauration rapide MTY veut grandir dans les restaurants avec service en mettant la main, pour 248 millions de dollars, sur la société montréalaise Imvescor, qui gère cinq enseignes, dont Mikes, Bâton Rouge et Scores.

Ce projet d'acquisition annoncé hier - qui ferait de MTY un groupe de 2,9 milliards en chiffre d'affaires total parmi 5793 établissements dans 75 enseignes - a toutefois été accueilli froidement par les investisseurs.

L'action de MTY a reculé de 5 %, à 51,97 $. Celle d'Imvescor, pourtant la cible de l'offre, a reculé de 3 %, à 4,07 $, son prix le plus bas depuis novembre.

« Telle qu'annoncée, l'offre d'acquisition par MTY sous-évalue Imvescor. L'entreprise vaut plus que 4,10 $ par action, peut-être jusqu'à 4,65 $ par action. » - L'analyste Elizabeth Johnson, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne

L'insatisfaction manifestée par les actionnaires d'Imvescor a aussi ravivé les rumeurs de discussions avec d'autres prétendants potentiels, qui avaient été ébruitées au début de l'automne. Des prétendants pourraient se manifester à nouveau avec une offre concurrente.

Interpellé à ce sujet lors d'une téléconférence d'analystes, hier, le président du conseil d'administration d'Imvescor, François-Xavier Seigneur, a indiqué que l'entreprise avait eu des discussions avec « quelques autres intéressés » en octobre, en refusant de les identifier.

Or, La Presse Affaires a pu confirmer auprès d'une source proche du dossier que la société torontoise Cara, la même qui a acheté les restaurants St-Hubert l'an passé, est l'entreprise à laquelle la direction d'Imvescor faisait référence dans son communiqué de la fin du mois d'octobre où il était question de l'intérêt démontré par une tierce partie. Selon notre source, il est possible, mais peu probable, que Cara revienne à la charge.

ACTIONNAIRES HÉSITANTS

Entre-temps, qu'une offre concurrente se manifeste ou non, MTY et la haute direction d'Imvescor doivent encore convaincre une majorité d'actionnaires - représentant les deux tiers des actions - à accepter les termes de leur projet d'acquisition.

Pour l'essentiel, MTY a convenu avec le conseil d'Imvescor d'une offre d'achat à 4,10 $ par action. Le paiement de cette acquisition est prévu à 80 % en échange d'actions de MTY nouvellement émises et à 20 % au comptant, pour une somme d'environ 50 millions.

Pour le moment, les détenteurs de seulement 18 % des actions d'Imvescor ont convenu de soutenir la transaction avec MTY, selon les informations fournies par les deux entreprises hier. Parmi ces appuyeurs, on fait état de la firme d'investissement Camac Partners, de New York, troisième actionnaire en importance d'Imvescor, à hauteur de 8,7 %.

En contrepartie, les deux plus importants actionnaires d'Imvescor, soit la société new-yorkaise ADW Capital et la firme Mawer Investment, de Calgary, demeurent absents du contingent d'appuyeurs déclarés de la transaction avec MTY.

La Presse Affaires a tenté en vain d'obtenir leurs commentaires. Les messages auprès de la haute direction de Cara à Toronto sont aussi demeurés sans réponse.

En fin de soirée, cependant, dans un geste qui démontre clairement un mécontentement devant la transaction proposée, ADW Capital a fait savoir qu'elle venait d'acheter un bloc d'actions additionnel durant la journée pour ainsi augmenter sa participation de 12 à 14 %. En entrevue avec La Presse plus tôt cet automne, le patron d'ADW, Adam Wyden, avait dit que l'action d'Imvescor « valait certainement 6,60 $ » et que l'acquéreur le plus logique, selon lui, était Cara. Le gestionnaire de portefeuille Marc L'Écuyer, de la firme Cote 100 - qui détient des actions de MTY -, est loin d'être certain que l'offre sur la table pour Imvescor sera finale.

« Il y a un risque que les actionnaires d'Imvescor la rejettent. Mais à voir la réaction en Bourse, je ne vois pas d'autres offres potentielles. Et si Cara n'est pas intéressée, il reste moins d'acheteurs. » - Marc L'Écuyer

« Quant au repli de l'action de MTY, le marché anticipe peut-être que des actionnaires d'Imvescor vendront leurs actions de MTY dès que la transaction serait complétée. »

De son côté, l'analyste Derek Lesssard, de la TD, voit la transaction d'un bon oeil pour MTY parce qu'elle diminuerait l'exposition générale aux centres commerciaux qui observent une diminution de leur achalandage en raison de la popularité grandissante du commerce électronique.

À la haute direction de MTY, on faisait valoir hier que « tous les actionnaires [de MTY et d'Imvescor] deviendront propriétaires d'une entreprise plus diversifiée et qui sera présente dans davantage de marchés », selon le chef de la direction financière, Eric Lefebvre.

La direction de MTY croit pouvoir profiter de l'expertise d'Imvescor dans la gestion des restaurants à service complet - comme Bâton Rouge, Scores et Mikes - ainsi que de son réseau dans les provinces atlantiques.

« MTY a déjà effectué quelques pas en ce sens et je crois que l'entreprise peut apprendre énormément d'Imvescor dans ce secteur », a précisé son PDG Stanley Ma.

Un insatiable colosse

Retour sur l'essor du Groupe MTY en quelques « bouchées ».

• 2006: À la suite du succès de la chaîne Sushi Shop, MTY fait l'acquisition de cette marque spécialisée dans le marché des sushis prêts à emporter.

• 2008: MY fait l'acquisition de Tutti Frutti, chaîne spécialisée dans les déjeuners et dîners. L'année se termine sur l'acquisition des droits exclusifs de franchisage de Taco Time au Canada. Le groupe atteint le plateau des 1000 établissements exploités.

• 2010: MTY entre à la Bourse de Toronto en mai 2010 sous le symbole « MTY ». En septembre, l'entreprise met la main sur le Groupe Valentine. En décembre, MTY acquiert une participation de 51 % dans une usine de transformation alimentaire de la banlieue de Québec.

• 2011: L'entreprise de Stanley Ma complète l'acquisition de Jus Jugo et de ses 136 établissements. Novembre marque l'acquisition de Mr. Sub et de son réseau de 338 restaurants.

• 2012: MTY fait l'acquisition de Mr. Souvlaki et atteint le plateau de 2000 établissements exploités.

• 2013: Plus grande acquisition de l'histoire du groupe avec l'achat d'Extreme Brandz (Extreme Pita et Mucho Burrito). MTY avale aussi Thai Zone.

• 2014: Autre année faste avec l'acquisition des chaînes Madisons, Café Dépôt et Muffin Plus.

• 2015: Big Smoke Burger passe dans le giron de MTY, dont le chiffre d'affaires annuel franchit la barre du milliard de dollars.

• 2016: Insatiable, l'entreprise montréalaise achète Kahala Brands pour 400 millions. Kahala exploite 18 marques dans 27 pays et compte environ 2800 établissements.

• 2017: Houston, Dagwoods, Georgio et Steak frites font leur entrée dans l'empire de Stanley Ma

Source : Groupe MTY