Les détaillants s'empressent d'adopter de nouvelles technologies, comme le scanneur à main déployé par Walmart dans 22 magasins canadiens, afin de se donner un avantage dans un domaine où la rivalité est féroce. Des experts préviennent toutefois que cet engouement pour l'automatisation menace des emplois déjà précaires.

Walmart a ajouté lundi 20 magasins de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario à ceux où ses clients peuvent utiliser ces scanneurs pour faire leurs emplettes. Le consommateur se dirige ensuite vers une caisse libre-service ou vers une caisse normale pour régler sa facture.

Walmart prévoit implanter ces scanneurs dans d'autres magasins canadiens. Le détaillant pourrait éventuellement les abandonner au profit d'une application que les clients installeraient sur leur téléphone intelligent, comme celle déjà utilisée aux États-Unis.

Si les compagnies promettent que cette automatisation n'enverra aucun employé au chômage, les experts croient que la tendance à long terme est sombre pour certains.

«Je pense que toute entreprise de bonne taille qui investit aujourd'hui dans la technologie le fait dans l'espoir de réduire ses coûts et d'augmenter son efficacité, dit Sunil Johal, de l'Université de Toronto. Elles ne feront pas ça (...) si elles ne procèdent pas aussi à des réductions de leur main-d'oeuvre.»

Walmart maintient que son objectif n'est pas d'abolir des emplois en douce. Le géant du commerce de détail veut plutôt aider les consommateurs à respecter leur budget et leur offrir une manière pratique de régler leurs achats, soutient par courriel le porte-parole Alex Robertson.

«Soyons clairs: le but de cette initiative n'est pas de réduire la main-d'oeuvre, écrit-il. Nous avions besoin de (caissiers/caissières) hier, nous en avons besoin aujourd'hui et nous en aurons besoin demain.»

Cela pourra être vrai à court terme, réplique M. Johal, puisque les consommateurs ont besoin de temps pour apprivoiser une nouvelle technologie.

Quand McDonald's du Canada a annoncé l'introduction de kiosques libre-service en 2015, la chaîne de restauration rapide a indiqué que 15 000 emplois seraient créés puisqu'elle aurait besoin de gens pour accueillir les clients et les aider à utiliser ces kiosques.

Mais à moyen et long terme, poursuit M. Johal, cela pourra changer puisqu'il est évident que les compagnies adoptent la technologie pour réduire leurs coûts.

«Je serais stupéfait si, d'ici un an ou deux, cette arrivée de l'automatisation n'entraîne pas des coupures», dit-il, en précisant que cela pourra se traduire par des pertes d'emplois ou une réduction des heures travaillées.

Les vendeurs/vendeuses et les caissiers/caissières comptent parmi les cinq emplois les plus menacés par l'automatisation, selon un rapport publié en 2016 par l'Institut Brookfield pour l'innovation et l'entrepreneuriat. Le document ajoute que 42 pour cent de la main-d'oeuvre canadienne pourrait être touchée par l'automatisation d'ici dix ou vingt ans, y compris 656 000 vendeurs/vendeuses et 309 000 caissiers/caissières.

Le commerce de détail compte parmi les secteurs les plus compétitifs en Amérique du Nord, dit le directeur de l'Institut, Sean Mullin, et le mastodonte Amazon arrive en tête des compagnies qui ouvrent de plus en plus la porte à la technologie.

«Je pense donc que tout le monde craint (...) que s'ils ne sautent pas dans la mêlée et s'ils ne commencent pas à utiliser de plus en plus l'automatisation et la technologie, qu'ils ne pourront pas rivaliser dans l'avenir et ils seront essentiellement poussés à la faillite», explique-t-il.

Au Canada, la hausse prochaine du salaire minimum en Ontario et en Alberta exerce une pression supplémentaire sur les compagnies, selon M. Johal. «La prochaine étape logique pour ces compagnies est d'étudier des solutions technologiques pour réduire leur masse salariale», précise-t-il.

Si les vendeurs/vendeuses et les caissiers/caissières risquent de faire les frais de cette automatisation, dit M. Mullin, la technologie crée historiquement plus d'emplois qu'elle n'en anéantit. Il concède toutefois que cette tendance s'applique davantage aux employés très spécialisés qui sont plus difficiles à remplacer par des robots.