Les clients de Super C risquent de ne plus pouvoir y acheter certains de leurs produits préférés. Metro, qui exploite cette enseigne, vient d'en changer la politique d'approvisionnement. Résultat, certains produits seront retirés des rayons, ont appris les fournisseurs.

L'épicier Metro a transmis une lettre à ses fournisseurs en avril au sujet d'une nouvelle politique de « mise en liste et déréférencement » dans ses magasins à bas prix, soit Super C (au Québec) et Food Basics (en Ontario).

La missive, obtenue par La Presse, indique que Metro « entamera prochainement une gestion personnalisée de l'assortiment pour les bannières à escompte ». En d'autres termes, tous les Super C ne tiendront plus le même assortiment de produits.

« Chacun des magasins aura une offre de produits spécifique et gérée centralement, selon sa superficie, son espace disponible et ses besoins. Certains magasins n'auront plus accès à l'ensemble des produits listés pour la bannière et ne pourront se réapprovisionner que sur les produits qui auront été mis en liste pour eux », lit-on dans la lettre de Metro.

Il n'a pas été possible de savoir à quel point les consommateurs verraient une différence en parcourant les allées. Metro a refusé de répondre à nos questions, prétextant « un processus interne ». Mais sa porte-parole, Marie-Claude Bacon, nous a transmis la déclaration suivante par courriel : « Nous mettons tout en oeuvre pour offrir à nos clients une offre de produits adaptée à leurs besoins, dans chacun de nos magasins. »

Impossible, également, de connaître l'ampleur des économies que Metro espère ainsi réaliser.

FOURNISSEURS INQUIETS

Jusqu'à cette nouvelle approche, « les produits listés pour une bannière [étaient] disponibles pour l'ensemble des magasins de cette bannière », rappelle Metro, dans sa lettre. Dans le jargon des supermarchés, un produit « listé » est un produit qu'un détaillant accepte de vendre. Désormais, « certains produits seront mis en liste pour tous les magasins, alors que d'autres ne seront que dans un nombre sélectionné de magasins ».

Des fournisseurs de Super C, qui se sont confiés à La Presse sous le couvert de l'anonymat de crainte de perdre un contrat, s'inquiètent de la suite des choses. L'un craint de perdre des ventes si ses produits sont retirés d'un nombre substantiel de supermarchés. Un autre se demande surtout si, à l'avenir, les frais de référencement (listing) seront proportionnels au nombre d'épiceries où son produit sera vendu.

La lettre de Metro ne dit rien à ce sujet.

« En gros, ce que ça veut dire, c'est qu'ils vont "délister" des produits sur lesquels les fournisseurs ont payé des frais de mise en liste mirobolants, sans que nous ayons un mot à dire, déplore un fournisseur de Metro. [...] En principe, si mon produit se retrouve dans seulement 25 % de la chaîne, je devrais payer 25 % du tarif. Mais ils vont probablement exiger le plein montant sous peine de délisting complet... »

Le PDG d'un important transformateur était plus serein. À son avis, si ses produits sont retirés des magasins qui en vendent peu, sa perte ne sera pas très grande. Et il convient que les distributeurs ont bien le droit de vendre ce qu'ils veulent.

« Mais la prochaine fois que je négocie, ce sera en fonction du pourcentage de magasins où mon produit sera vendu. Je ne paierai pas pour 100 % ! »

LES FRAIS DE RÉFÉRENCEMENT EN BREF

• Les manufacturiers doivent payer pour que leurs produits soient référencés par les supermarchés traditionnels.

• Pour un seul produit réfrigéré ou congelé, vendu dans toutes les grandes chaînes de supermarchés du pays, le prix global pour son fabricant est d'environ 500 000 $, nous ont confié deux sources de l'industrie. Il s'agit d'un prix par parfum (ou variété).

• Pour un produit vendu sur les étagères (c'est moins cher qu'en frigo ou en congélateur), dans une seule enseigne, un autre manufacturier nous a dit payer environ 3500 $ par variété. Il s'agit d'un paiement unique et non pas récurrent.

• Les frais de référencement sont négociables, explique une source de l'industrie. « S'ils croient beaucoup dans un produit, ils vont être plus ouverts à la discussion. » Celui-ci mentionne par ailleurs que les frais « donnent droit aux tablettes pendant six mois. Après, si ça ne fonctionne pas, c'est bye bye. »

• Ces frais sont fréquemment montrés du doigt par les manufacturiers qui les accusent de nuire à l'innovation.