Confrontée à la colère de ses adhérents, Air Miles annule sa politique d'expiration des points accumulés depuis plus de cinq ans, qui devait prendre effet le 31 décembre.

L'entreprise a cité des «incertitudes entourant des projets de loi proposés par les gouvernements provinciaux à travers le Canada» pour justifier sa volte-face, annoncée en fin de journée.

«Nous avons pris la décision d'annuler la politique d'expiration pour tous les adhérents effective immédiatement. Tous les adhérents, indépendamment de leur emplacement, peuvent être assurés que leur solde de points sera protégé,» a indiqué, dans un communiqué, Bryan Pearson, PDG de LoyaltyOne, la société mère d'Air Miles.

Depuis quelques mois, des milliers de membres tentaient d'échanger leurs milles avant qu'ils ne s'envolent, et se plaignaient de l'incapacité du service à la clientèle d'Air Miles de répondre à la demande. Plusieurs accusaient l'entreprise de leur mettre délibérément des bâtons dans les roues pour les empêcher d'utiliser leurs points avant la date butoir.

Air Miles avait annoncé il y a cinq ans que les points obtenus avant le 31 décembre 2011 viendraient à échéance à la fin de 2016, et qu'ils seraient dorénavant valides pour cinq ans, en expirant sur une base trimestrielle.

Le programme a aussi créé deux catégories de milles : les milles Argent, permettant de payer des achats courants chez les détaillants participants, et les milles Rêves, échangeables contre une sélection de produits, services ou voyages. Les membres qui n'ont pas choisi spécifiquement la catégorie Argent se retrouvent par défaut avec des milles Rêves.

À l'approche de la date d'expiration, les collectionneurs de points étaient de plus en plus nombreux à vouloir obtenir leurs récompenses avant de les perdre, mais un manque de personnel et divers problèmes techniques rendaient les transactions difficiles. Air Miles a affirmé avoir ajouté plus de 100 agents à son service à la clientèle, mais l'afflux de demandes était tel qu'ils ne fournissaient pas à la tâche.

Recours collectif et projet de loi

Une demande de recours collectif a été déposée en septembre, en Alberta, alléguant que l'entreprise avait fait des changements injustes aux conditions du programme, qu'elle n'a pas avisé les utilisateurs adéquatement et qu'elle rend plus difficile l'obtention des récompenses.

Il y a quelques semaines, un député provincial de l'Ontario a déposé un projet de loi privé, demandant qu'il soit interdit d'imposer une échéance aux points des programmes de récompenses, comme c'est le cas pour les cartes cadeaux. Des représentants d'Air Miles ont comparu mardi devant le comité législatif chargé d'étudier ce projet de loi, qui doit être soumis au vote des députés ontariens lundi.

À Québec, la ministre de la Justice Stéphanie Vallée a affirmé, mercredi, qu'elle avait demandé à l'Office de la protection du consommateur de proposer une façon d'encadrer les programmes de récompense comme Air Miles. Le gouvernement n'aurait cependant pas l'intention d'agir dans les prochaines semaines.

«Notre engagement consiste à créer un environnement où les programmes de récompenses continuent d'offrir de la valeur aux consommateurs ainsi qu'aux entreprises qui les opèrent. Au cours des quatre dernières années, nos adhérents ont reçu plus de 2 milliards de dollar en valeur, et nous promettons de travailler sans relâche afin d'améliorer l'expérience Air Miles pour nos adhérents», a déclaré Bryan Pearson.

Air Miles est le plus important programme de récompenses du Canada, avec 17 millions de cartes en circulation et l'adhésion de 68 % des consommateurs.

Image ternie

Plusieurs experts affirment que l'image du programme de récompense est ternie par ce cafouillage. «Je suis convaincu que des détaillants vont quitter Air Miles pour lancer leur propre programme de fidélité», disait Louis Fabien, professeur de marketing à HEC-Montréal, en entrevue récemment.

Des représentants de Jean Coutu, partenaire d'Air Miles, ont communiqué avec la direction du programme de récompenses, il y a quelques semaines, pour lui transmettre l'insatisfaction de ses clients, incapables d'échanger leurs milles accumulés depuis longtemps, racontait la semaine dernière une porte-parole du détaillant.

Les commerçants paient très cher pour participer à des programmes de loyauté et sont sûrement insatisfaits de la mauvaise gestion de cette affaire par l'entreprise, faisait remarquer M. Fabien.

Un autre programme de fidélité, Aéroplan, avait aussi annoncé, en 2007, une échéance de sept ans à ses milles. Après le dépôt d'un recours collectif, l'entreprise a fait marche arrière en 2013. Elle a plutôt décidé que les points accumulés expirent après un an d'inactivité dans un compte.

En 2010, c'est le programme Optimum, de Pharmaprix, qui a été visé par un recours collectif, pour avoir réduit la valeur des points accumulés (il en faut maintenant plus pour obtenir une récompense). Le recours, piloté par Option consommateurs, a été autorisé par le tribunal en 2012, mais n'a pas encore été entendu.

---

La petite histoire

1992

Lancement du programme Air Miles au Canada

2011

Air Miles annonce que les points récoltés avant le 31 décembre 2011 viendront à échéance à la fin de 2016. Les milles amassés à compter de cette date expireront après cinq ans, sur une base trimestrielle.

Juillet 2016

Ajout de 100 agents au service à la clientèle du programme, pour répondre aux membres de plus en plus nombreux qui veulent échanger leurs points.

Septembre 2016

Dépôt d'un recours collectif contre Air Miles en Alberta.

Octobre 2016

Dépôt d'un projet de loi privé par un député provincial ontarien pour interdire l'expiration des points des programmes de loyauté.

1er décembre 2016

Air Miles revient sur sa décision et annule sa politique d'expiration des points.