La chaîne de cafés américaine Starbucks a annoncé jeudi le départ de Howard Schultz, son charismatique PDG, tournant une page importante de son histoire qui l'a vu passer en 45 ans d'épicerie locale basée à Seattle en une multinationale.

M. Schultz, 63 ans, va céder les commandes du groupe à son numéro 2 depuis plus d'un an, Kevin Johnson, le 3 avril 2017.

Il ne coupe pas complètement les liens avec l'entreprise puisqu'il va rester président du conseil d'administration. En tant que tel, il sera responsable de l'innovation et de réfléchir au développement d'une offre de cafés haut de gamme (Starbucks Reserve Roasteries) destinée à redonner un coup de frais à la marque et à contrer l'érosion de la fréquentation.

Starbucks prévoit d'en ouvrir de 20 à 30 dans les prochaines années pour essayer de séduire les consommateurs.

«Je vais me concentrer sur la nouvelle phase d'innovation de Starbucks», explique Howard Schultz, visage de Starbucks depuis trois décennies.

«Je vais concentrer tout mon temps à cette mission. Je ne quitte pas l'entreprise. Je suis et serai là tous les jours», a-t-il tenu à rassurer lors d'une courte conférence téléphonique avec les analystes. Il n'a toutefois pas dit s'il avait été poussé à la démission ou pas.

Howard Schultz, qui a rejoint Starbucks en 1982 en tant que directeur commercial, est considéré comme l'artisan du succès mondial de la chaîne de cafés qu'il avait quittée brièvement en 1986 suite à des dissensions avec les propriétaires.

Il avait ensuite monté sa propre entreprise, Il Giornale, avant de racheter par la suite, en 1987, les parts des propriétaires de Starbucks, créé en 1971 à Seattle, avec le soutien de petits investisseurs locaux. Depuis il n'a eu de cesse de développer l'entreprise, qui exploite aujourd'hui plus de 25 000 cafés à travers le monde.

Il s'est illustré ces derniers mois par ses prises de position politiques et le soutien apporté aux salariés américains réclamant une augmentation du salaire minimum à 15 dollars de l'heure.

Patron engagé

Soucieux de faire de Starbucks une entreprise socialement responsable et sensible aux difficultés des minorités et des ménages pauvres, il avait par exemple augmenté d'au moins 5 % en juillet le salaire de base de ses employés américains. Ceux-ci s'inquiétaient des dégâts pour l'emploi de l'introduction d'un logiciel permettant de commander et de régler sa boisson avec son téléphone intelligent ou sa tablette.

Proche du parti démocrate, Howard Schultz a soutenu Hillary Clinton pendant la campagne électorale, mais a écarté toute idée de briguer un mandat politique malgré des rumeurs persistantes. On lui prête notamment l'intention de se présenter à la prochaine élection présidentielle.

Jeudi, Howard Schultz a indiqué qu'il allait continuer son combat social. Sous sa férule, Starbucks a ouvert des cafés dans les zones défavorisées et soutenu des initiatives contre le racisme.

Seule fausse note à ce parcours de patron engagé: le nom du groupe fait partie de la liste des grandes entreprises américaines accusées par la Commission européenne d'avoir bénéficié d'aides d'État illégales de la part de l'Irlande.

En octobre 2015, Starbucks a été sommé de rembourser jusqu'à 30 millions d'euros aux Pays-Bas, pour avoir bénéficié d'«avantages fiscaux illégaux». La Haye a annoncé le mois suivant son intention de faire appel.

Les marchés financiers s'interrogent, eux, sur l'avenir de Starbucks dont la croissance a faibli du fait d'une baisse de la fréquentation des cafés attribuée à des changements dans les programmes de fidélité.

L'action du groupe, dont le chiffre d'affaires a avoisiné les 20 milliards de dollars lors de l'exercice fiscal 2015, perdait ainsi 3,35 % à 56,55 dollars vers 17 h 50 dans les échanges électroniques suivant la clôture de la séance.

Howard Schultz faisait partie des chouchous de Wall Street: après avoir cédé une première fois les rênes avant la crise de 2008, il avait dû revenir précipitamment. Le titre qui valait alors 10 dollars avait bondi dans la foulée au point de dépasser les 60 dollars fin 2015, un record.