Sans surprise, les actionnaires de Rona ont approuvé en très grande majorité l'offre d'achat de 3,2 milliards de dollars négociée par ses dirigeants avec le gros concurrent Lowe's, d'origine américaine.

Toutefois, lors de l'assemblée extraordinaire à cette fin qui avait lieu jeudi à Montréal, des actionnaires ont exprimé leur méfiance envers les engagements énoncés par Lowe's à propos de la continuité des affaires et du siège social de Rona au Québec.

« Pour les actionnaires et les dirigeants de Rona, c'est un bon deal, considérant que Rona risquait de se faire étouffer éventuellement par des géants comme Lowe's ou Home Depot. Mais quand tu vends une entreprise pour des milliards, oublie ça, le maintien d'un siège social ! L'acheteur [Lowe's] voudra sans doute faire ce qu'il veut par la suite », a mentionné un particulier-investisseur et ex-employé retraité de Rona, au sortir de l'assemblée où les médias avaient été interdits d'accès par les dirigeants du quincailler.

Pour Jean Dorion, administrateur du groupe activiste MEDAC, qui était parmi les actionnaires votants à l'assemblée, une grande méfiance persiste envers le « respect des engagements » pris par Lowe's à propos des activités de Rona au Québec.

« On espère que les autorités gouvernementales qui ont la possibilité d'apposer leur veto sur la transaction [Industrie Canada, Bureau fédéral de la concurrence] feront pression sur Lowe's pour qu'il respecte ses engagements sur Rona au Québec. C'est important parce que ces engagements ne font pas partie du contrat d'acquisition, comme l'ont souligné des actionnaires durant l'assemblée », a indiqué M. Dorion.

« Les engagements de Lowe's qui devraient faire partie des conditions d'approbation de l'achat de Rona par les autorités concernent notamment le maintien du siège social et de la vaste majorité des emplois au Québec, ainsi que le maintien du réseau de fournisseurs locaux. Nous nous préoccupons aussi de la place du français comme langue de travail à la haute direction de Rona, après qu'elle soit passée sous le contrôle de Lowe's. »

AUTORITÉS FÉDÉRALES

Interpellés à ce sujet après l'assemblée des actionnaires, les deux plus hauts dirigeants de Rona, Robert Chevrier, président du conseil d'administration, et Robert Sawyer, président et chef de la direction, ont indiqué que ces préoccupations étaient désormais du ressort des autorités fédérales, dont l'accord est requis pour la clôture de la transaction avec Lowe's.

« Cette transaction est en révision actuellement chez Industrie Canada et au Bureau de la concurrence. Des représentations ont été faites et sont en voie de négociation, d'amélioration et de précision. Même le gouvernement du Québec a fait sa liste d'épicerie par rapport à ce qu'il exigeait comme conditions », a indiqué M. Chevrier.

« C'est un work-in-progress entre Lowe's, Industrie Canada et le Bureau de la concurrence. Nous attendons leur décision autour de la mi-mai, en prévision d'une clôture de transaction en juin », a ajouté Robert Sawyer.

Ce dernier prévoit d'ailleurs quitter son poste de président et chef de la direction au lendemain de la clôture de la transaction, « après que tous les actionnaires de Rona auront reçu leur chèque de Lowe's », a-t-il souligné.

Robert Sawyer et Robert Chevrier font d'ailleurs partie des hauts dirigeants de Rona qui s'apprêtent à encaisser plusieurs millions de dollars provenant de la revente des actions et options d'actions de l'entreprise qui leur ont été consenties en rémunération au cours des dernières années.

Plusieurs employés-clés de Rona et de nombreux détaillants affiliés de ces principales enseignes figurent aussi parmi les petits actionnaires minoritaires qui bénéficieront le plus du prix de 24 $ comptant par action ordinaire que Lowe's prévoit leur payer d'ici trois mois.