La nouvelle économie, virtuelle et sans frontière, menace les programmes sociaux et le financement des villes, croit Peter Simons, propriétaire des magasins du même nom. Dans un cri du coeur, l'homme d'affaires a demandé au gouvernement de s'assurer qu'il y ait une équité fiscale entre les entreprises au moment où commence à peine « une révolution technologique » majeure.

« Il faut comprendre que la nouvelle économie a beaucoup moins de mortier et d'installations physiques, et une fluidité internationale des affaires. Quand vous voyez dans les journaux que Facebook a payé 4000 pounds sterling d'impôt en Angleterre... Jesus, ça n'a aucun sens ! C'est une compagnie qui fait des milliards. C'est moins que le pauvre mec à petit salaire [...] C'est incroyable. Réveillez-vous, ça a besoin d'arrêter », a déclaré Peter Simons lors d'une mêlée de presse improvisée au Sommet annuel du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) qui se termine aujourd'hui.

Le détaillant insiste pour dire qu'il n'est pas réfractaire au changement ni à la technologie. Loin de là. À preuve, il a investi plusieurs millions de dollars dans son site internet (qui génère 10 % des ventes de l'entreprise) et a créé 200 emplois depuis trois ans dans son centre de commerce électronique.

Mais à son avis, le gouvernement doit s'assurer que tout le monde paie sa juste part d'impôt et que toutes les entreprises - même celles qui vendent en ligne - exigent les taxes de vente et les frais de douanes (de 18% dans le cas des vêtements). Rappelons que les pertes fiscales du Québec sont évaluées à 300 millions de dollars sur les achats effectués en ligne auprès d'entreprises d'autres provinces et à 165 millions sur les achats faits à l'étranger.

« On ne peut pas avoir des fuites fiscales comme il y en a présentement. Ça ne se peut juste pas. Ça ne se tient pas debout. »

- Peter Simons

Peter Simons croit qu'on est « tellement obnubilés par la technologie » qu'on oublie les « dommages énormes » qu'elle peut provoquer. Ce manque d'empressement à adapter les lois à la nouvelle réalité met de la pression sur son entreprise. Il s'inquiète aussi pour le sort de la société, car le financement des écoles et des hôpitaux en souffrira, croit-il.

BESOIN DE 1000 COMMISSIONS À LA UBER ?

Pour illustrer la difficulté qu'éprouvent les élus à établir des règles claires et équitables quand la nouvelle économie entre en compétition avec l'ancienne, le détaillant a donné l'exemple d'Uber, qui « vit dans un monde qui exploite la bureaucratie et sa lourdeur ».

« Le taxi, c'est juste une petite industrie et on a du trouble à régler ça. Alors je commence à paniquer et je me dis "quoi, chaque fois qu'on va avoir un problème on va faire une commission ? [On va en faire pour] les taxes à la frontière, l'importation, l'extraterritorialité fiscale, le BEPS [Base Erosion and Profit Shifting ou érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, en français]..." Avec tout ce qui s'en vient, ça va nous prendre un millier de commissions. À un moment donné, le rôle du gouvernement, c'est d'assurer une équité. »

VERS UNE RÉVOLUTION SOCIALE ?

Si l'internet provoque la fermeture d'entreprises ayant pignon sur rue, comment les villes remplaceront-elles ces sources de revenus ? se demande aussi Peter Simons.

« Il faut se demander comment ça va changer nos sociétés. Il n'y a plus d'imprimerie à Montréal, une imprimerie, ça prend un bâtiment, un bâtiment, ça paie des taxes foncières. Là, ça va venir d'où ? Facebook, Google, Uber ? Réveillez-vous ! Ce n'est pas une critique contre les technologies, mais il faut mettre ses culottes et savoir comment on va financer nos villes et s'assurer qu'il y a une équité. »

Même si l'homme d'affaires encourage le gouvernement à trouver des solutions, il dit avoir l'impression que ce sont les citoyens qui vont faire le travail. « Il va y avoir un important conflit, une révolution sociale. »

Malgré tout, Peter Simons est optimiste. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'il continue à investir massivement dans son réseau de magasins. Cinq sont actuellement en construction.