Chantre du «made in America», le groupe d'habillement American Apparel (APP), en guerre judiciaire avec son fondateur, s'est déclaré en faillite lundi, résultat d'une érosion de ses ventes et une désaffection des consommateurs lassés par les scandales à répétition.

Perdant de l'argent chaque année depuis 2010, le groupe fondé en 1989 à Montréal par le Canadien Dov Charney s'est placé sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Ce dispositif la protège de ses créanciers et devrait lui permettre de mener à bien sa restructuration.

Un accord a déjà été trouvé avec 95% de ses créanciers pour réduire sa dette de 300 à 135 millions de dollars en échange de participations dans la société réorganisée.

Ces mêmes créanciers vont apporter 70 millions de dollars d'argent frais pour maintenir sous perfusion l'entreprise.

Ce plan de la dernière chance doit permettre «une transformation globale pour revitaliser l'entreprise et la marque», explique-t-on chez American Apparel.

Prévu pour six mois, il doit encore être validé par la justice américaine.

En attendant, les magasins de l'enseigne et les usines de fabrication aux États-Unis et à l'international «vont poursuivre leurs activités sans interruption». Elle comptait 227 magasins dans 19 pays dans le monde à fin septembre.

Pubs sulfureuses

La mise en location récente d'un magasin phare dans le très branché quartier de Soho, temple du magasinage à New York, illustre à elle seule les difficultés du groupe californien qui s'est longtemps vanté de produire ses vêtements en Amérique du Nord.

Elle survient après l'annonce, en juillet, d'un plan non détaillé de réduction de coûts comprenant des fermetures de magasins et des suppressions d'emplois.

Après avoir échappé longtemps à la banqueroute grâce aux injections de fonds de la banque Capital One et du fonds d'investissement new-yorkais Standard General, American Apparel, qui emploie environ 10 000 personnes, avait alors averti qu'il pourrait être à court de liquidités pour honorer ses engagements dans les douze prochains mois.

Outre sa situation financière, l'enseigne californienne doit aussi composer avec le conflit qui l'oppose depuis plus d'un an à Dov Charney, évincé en 2014 pour ses frasques dont des accusations de harcèlement sexuel.

M. Charney, qui a toujours rejeté ces accusations, a déposé une vingtaine de plaintes contre le groupe. Il réclame par exemple 30 millions de dollars à Standard General, un des gros actionnaires d'American Apparel, autrefois son allié.

Homme d'affaires excentrique, Dov Charney a fait la Une des journaux à scandale pour son exhibitionnisme. Des photos de lui nu circulent sur internet.

Depuis ses débuts à Montréal jusqu'à son installation à Los Angeles, American Apparel a connu une forte croissance, alimentée par des publicités souvent sulfureuses.

En janvier 2014, la chaîne avait créé la controverse en présentant dans les vitrines d'un de ses magasins new-yorkais des mannequins en plastique avec poils pubiens pour célébrer, justifiait-elle, la «beauté naturelle».

Mais ces dernières années, ses finances n'ont cessé de battre de l'aile, une situation par ailleurs aggravée par la passe difficile que connaît l'ensemble de l'industrie textile américaine, concurrencée par les rivaux européens (H&M, Zara...) et le japonais Uniqlo.

Ces derniers ont réussi à pénétrer le marché américain réputé pourtant difficile, grâce aux premiers rôles qu'ils jouent dans le «fast-retailing» (peu de stocks, des lignes de vêtements renouvelées très régulièrement au gré des nouveautés qui apparaissent dans les défilés).

Gap Inc (Banana Republic, Old Navy), autre fleuron américain du secteur, a annoncé mi-juin qu'il allait fermer un quart (175) des magasins de la marque éponyme en Amérique du Nord (États-Unis, Canada et Mexique) et un nombre «limité» en Europe.

American Apparel fait enfin face à l'appréciation du dollar, qui renchérit ses coûts de production, puisqu'il produit aux États-Unis, et diminue ses revenus engrangés à l'international.