Les travailleurs récemment mis à pied dans le secteur du commerce de détail, dont plus de 17 000 personnes touchées par l'annonce de la fermeture des magasins Target au Canada, sont confrontés à de sombres perspectives alors qu'ils dépoussièrent leur CV et se remettent à la recherche d'un emploi, notent des experts du marché du travail.

«Je me doute qu'ils ressentent une part de colère et une part de peur très sincère», affirme Kendra Coulter, une experte du marché du travail de l'Université Brock, faisant remarquer que plusieurs employés du secteur du détail ne travaillent qu'à temps partiel.

«Plusieurs d'entre eux ne seront pas admissibles à l'assurance-emploi et font face à un avenir très inquiétant.»

Le grand détaillant américain Target a annoncé la semaine dernière qu'il fermerait ses 133 magasins au Canada, moins de deux ans après avoir investi le marché canadien en rachetant les baux des anciens établissements Zellers.

Selon Angella MacEwen, économiste principale au Congrès du travail du Canada, ces personnes qui se retrouvent sans emploi pourraient devoir attendre six à douze mois avant de se trouver un nouvel emploi, particulièrement en raison du ralentissement cyclique qui touche le secteur du détail après la saison des Fêtes.

«Janvier et février ne sont pas un bon moment pour chercher un emploi, et étant donné qu'il y a un grand groupe de personnes qui se retrouvent disponibles en même temps sur le marché du travail, plusieurs d'entre eux n'auront pas beaucoup de chance», précise Mme MacEwen.

Les travailleurs touchés par l'exode de Target devront continuer à payer leurs factures tout en étant à la recherche d'un nouvel emploi, poursuit Mme MacEwen.

«Ce sont des emplois au salaire minimum et plusieurs Canadiens sont dans une telle position qu'ils doivent vivre d'une paye à l'autre et ne peuvent pas vraiment passer six mois sans paye régulière», précise-t-elle.

«Il semble que cela sera un défi significatif pour ces travailleurs et leurs communautés, même si, avec le temps (...) ils seront capables de retrouver du travail.»

Target n'est pas le seul détaillant à fermer des magasins et à effectuer des mises à pied au Canada ces derniers temps. Le détaillant de vêtements Mexx a déclaré faillite le mois dernier et fermera tous ses établissements, dont 170 au pays. La société emploie 2800 personnes à travers le monde. Entre-temps, Sony a aussi annoncé son intention de plier bagage au Canada et y fermera ses 14 magasins, une décision qui touche 90 employés.

Les pertes d'emplois dans le secteur du détail surviennent alors que des défis se posent dans d'autres segments de l'économie plus large, notamment celui du pétrole.

L'économie canadienne a perdu 10 700 emplois en novembre et 4300 autres en décembre, a noté Statistique Canada, alors que les gains dans le nombre d'emplois à temps plein n'arrivent pas à compenser les pertes d'emplois à temps partiel.

Les deux mois de pertes font suite aux gains de 74 100 et 43 100 emplois observés en septembre et en octobre, respectivement.

Selon Jackie Ross, de la firme de recrutement du secteur du détail JRoss Recruiters, les détaillants sont confrontés à une baisse de l'achalandage dans leurs établissements en raison de la popularité croissante du magasinage en ligne, et ils pourraient vraisemblablement se montrer plus conservateurs dans leurs embauches.

Cependant, certains des travailleurs mis à pied chez Target seront capables de migrer vers d'autres secteurs qui connaissent des pénuries de main-d'oeuvre, comme ceux de l'hôtellerie et de la restauration, indique Mme Ross.

«D'autres secteurs de l'industrie des services sont toujours à la recherche d'employés pour leur main-d'oeuvre», note-t-elle.

La société mère américaine de Target Canada a mis sur pied une fiducie de 70 milllions $ pour couvrir les indemnités de départ des employés. La plupart des travailleurs devraient recevoir une rémunération équivalant à 16 semaines de travail.

Mais selon Lee Harbinson, un employé du magasin de Target au Pickering Town Centre, il ne s'agit pas de vraies indemnités de départ, puisque plusieurs employés continueront à travailler pendant ces 16 semaines, le temps que l'entreprise démantèle ses activités.

M. Harbinson, qui travaille à temps partiel au déchargement des camions et au stockage de la section des vêtements, affirme ne pas avoir été surpris de la nouvelle de la fermeture de Target, puisqu'il a été témoin de la stagnation des ventes pendant la période de près de deux ans où il y travaillait.

«Je ne suis pas encore en train de paniquer, observe-t-il. J'ai vu venir ça à l'avance.»

M. Harbinson, qui travaille aussi comme photographe pigiste, évalue ses options et ne prévoit pas retourner dans le secteur du détail. Un retour sur les bancs d'école est une possibilité pour lui, qui travaillait pour une agence de publicité avant que la récession ne frappe.

«Le détail sera le dernier recours pour moi», précise-t-il.

Sears Canada encourage les travailleurs de Target à surveiller son site internet pour obtenir des informations sur ses futures foires d'emplois. Elle leur propose aussi de profiter, à compter de mercredi, du rabais généralement réservé à sa main-d'oeuvre pour une période de 16 semaines.

Sears a mis à pied environ 700 travailleurs en janvier 2013, dont 300 dans ses grands magasins, puis a fermé par la suite son magasin phare du Centre Eaton de Toronto, ainsi que quatre autres magasins, ce qui a touché 1000 autres employés.

Au cours de la même période, le détaillant de biens électroniques Best Buy Canada estimait que 900 emplois seraient perdus en raison de la fermeture de certains de ses magasins Best Buy et Future Shop.