Moins de deux ans après avoir ouvert les portes de son premier magasin canadien, le détaillant à bas prix Target (T.TGT) a annoncé jeudi qu'il jetait l'éponge au pays.

La société de Minneapolis a choisi de mettre fin à ses activités déficitaires au Canada, une décision qui entraînera la fermeture de 133 magasins et la mise à pied de 17 600 employés au pays.

«Après avoir méticuleusement examiné notre rendement au Canada et étudié à fond les incidences découlant de chacune des options, nous n'avons pas pu trouver un scénario réaliste qui amènerait Target Canada au seuil de la rentabilité avant au moins 2021», a expliqué dans un communiqué le président du conseil et chef de la direction de Target, Brian Cornell.

«Pour l'exprimer simplement, nous n'avons pas vu la performance de niveau supérieur que nous avions besoin de voir», a-t-il résumé lors d'une conférence téléphonique avec des analystes.

Target enregistrera une perte avant impôts d'environ 5,4 milliards $ US pour son quatrième trimestre, dont la plus grande partie sera attribuable à ses activités canadiennes.

Target a attendu la fin de la saison du magasinage des Fêtes pour décider s'il y avait un espoir de voir ses activités canadiennes se redresser et sa bannière aspirer à devenir un concurrent sérieux à Walmart, Canadian Tire [[|ticker sym='T.CTC.A'|]] et La Baie d'Hudson [[|ticker sym='T.HBC'|]]

L'annonce de jeudi soulève de nouvelles questions sur la façon dont le départ de cette enseigne va modifier le paysage du détail au Canada, qui a perdu plusieurs joueurs ces derniers mois.

Sony a ajouté son nom à la liste en annonçant, lui aussi jeudi, la fermeture de ses 14 boutiques au Canada. Les détaillants de vêtements Mexx, Smart Set et Jacob ont aussi récemment liquidé leurs magasins.

Avant son lancement, Target était considéré comme la plus grande menace aux entreprises canadiennes, en partie parce que sa réputation auprès du public était unique. Plusieurs consommateurs canadiens se déplaçaient aux États-Unis pour pouvoir déambuler dans les allées de ses établissements américains, à la recherche d'aubaines et de produits introuvables au nord.

Mais l'histoire a changé quand Target est arrivé au Canada. Les réseaux sociaux ont alors été inondés de plaintes au sujet de tablettes vides, de prix élevés et de gammes de produits en deçà des attentes.

«Les consommateurs canadiens arrivaient en magasin en s'attendant à vivre l'expérience des magasins américains et ils ont plutôt eu droit à une version diluée», a estimé Brynn Winegard, analyste en marketing chez Winegard and Company.

Selon Mme Winegard, l'équipe de direction américaine de Target a mal évalué le marché canadien et a procédé avec l'idée préconçue que les Canadiens allaient l'accueillir le portefeuille grand ouvert. À cet égard, la première campagne publicitaire canadienne de la société était un exemple de confiance démesurée, fait-elle valoir.

Une des annonces télévisées mettait en scène une femme en motocyclette qui passait devant certains des sites touristiques les plus connus du pays avant d'éclabousser l'écran du logo de l'entreprise, avec un slogan disant «Target aime le Canada». Mme Winegard croit qu'il était trop tôt pour le détaillant pour se présenter comme un élément de la culture canadienne.

«Nous avons beaucoup de grandes marques canadiennes et nous n'avions pas besoin que Target soit canadien», a-t-elle affirmé. «Nous avions besoin qu'ils soient l'entreprise qu'ils étaient aux États-Unis.»

La décision de Target de quitter le Canada survient alors que la société mère multiplie les efforts pour séduire les investisseurs avec de meilleurs résultats trimestriels. Il y a un peu plus d'un an, Target a été victime d'une importante brèche de sécurité qui a vu les informations bancaires de 110 millions de consommateurs nord-américains être volées par des pirates informatiques, ce qui a eu des répercussions dans l'ensemble de ses activités.

«Il est clair que nos activités américaines se sont pleinement remises de ces jours difficiles, mais ce n'est pas assez et nous ne sommes pas encore où nous devrions être aux États-Unis», a indiqué jeudi le directeur financier de l'entreprise, John Mulligan, aux analystes.

«Avec les décisions d'aujourd'hui, nous pouvons concentrer toutes nos ressources pour qu'elle puissent revigorer nos activités américaines et continuer notre travail pour les rendre encore plus fortes.»

La société a indiqué avoir l'intention de fournir une facilité de crédit du débiteur-exploitant de 175 millions $ US pour financer les activités de Target Canada pendant les procédures en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Selon l'analyste Irene Nattel, de la Banque Royale, il difficile de prédire qui pourrait être en position de reprendre les 133 magasins de Target.

«Selon nous, il est peu probable qu'un seul exploitant reprenne la totalité des baux, dont les emplacements sont mitigés, au mieux», a écrit Mme Nattel dans une note.

«Nous nous attendons plutôt à ce que des détaillants existants, dont Walmart Canada et Canadian Tire, reprennent peut-être certains emplacements choisis.»

La société a en outre indiqué qu'elle travaillerait avec un conseiller pour la vente de son portefeuille immobilier et prévoit dépenser entre 500 millions $ US et 600 millions $ US en espèces pour mettre fin à ses activités canadiennes.

Les magasins canadiens de Target resteront ouverts pendant la période de liquidation, et le plan de l'entreprise prévoit que les employés puissent recevoir une rémunération et bénéficier d'avantages sociaux pendant une période d'au moins 16 semaines, même dans le cas des employés dont les services ne seraient pas requis pendant toute la durée du processus de liquidation.