Quand on vend la même chose que ses compétiteurs, il faut avoir de bons arguments pour convaincre les consommateurs de nous choisir... et de nous être fidèles. IGA a décidé le printemps dernier de se positionner comme l'enseigne du «plaisir de bien manger» pour tirer son épingle du jeu. Le point avec celui qui dirige ce «virage majeur», Claude Tessier.

«On sait que les gens font en moyenne quatre supermarchés par mois. Les attirer quatre semaines sur quatre, c'est très difficile», fait remarquer le président de Sobeys Québec.

Pour gagner une plus grande part des dépenses des consommateurs dans un marché caractérisé par sa très faible croissance, IGA a adopté une nouvelle stratégie en mai. Son approche est désormais basée sur quatre «grands principes»: cuisiner, découvrir, faire des choix responsables et manger sainement.

Depuis, les initiatives se multiplient. Du lot, Claude Tessier affirme que le nouveau feuillet publicitaire est sans aucun doute le changement «le plus visible» et le plus marquant. «C'est un risque d'affaires important qu'on a pris en enlevant le verso pour exprimer notre vision», a-t-il répété à quelques reprises pendant l'entrevue.

Le secret de la Caramilk

L'espace au verso du feuillet publicitaire et des quatre autres pages qui le précèdent n'est plus exclusivement consacré à mettre des soldes en vedette. On y trouve désormais des recettes et de l'information sur des aliments. C'est autant d'espace qui ne peut plus être vendu aux fournisseurs.

Claude Tessier n'a pas voulu élaborer sur la notion de risque, ni sur l'argent en jeu, ni sur la façon dont les recettes sont choisies. Un fournisseur de riz arborio peut-il payer pour qu'un risotto aux champignons se retrouve à la une? «Ça, c'est le secret de la Caramilk», a-t-il répondu, le sourire en coin.

S'il est encore trop tôt pour déterminer si le «mouvement santé» donne les résultats financiers escomptés, le programme de fidélisation Air Miles permet à IGA de constater l'impact immédiat des recettes sur les ventes.

«Quand on a mis la recette de saumon au fenouil, les ventes des deux produits ont levé. Dans le même panier, c'était une combinaison jamais vue. [...] Notre circulaire est inspirante. On fait bouger les ventes avec ça», soutient Claude Tessier. Pour aider les marchands dans cette nouvelle stratégie, Sobeys leur transmet des capsules vidéo les informant des recettes et leur donnant des trucs de marchandisage.

Élargir le cercle

Sobeys a aussi embauché des personnalités pour faire passer ses messages, dont Josée di Stasio, Christian Bégin et Stefano Faita. Se greffent d'autres collaborations à l'origine d'exclusivités sur les tablettes, comme les petits plats du chef Jerôme Ferrer ou la viande des restaurants Schwartz.

«On veut agrandir le cercle de gens autour de nous. Les ambassadeurs proposent des solutions, et c'est ça que le consommateur cherche. Au lieu de satisfaire le besoin de bas prix, on satisfait le besoin de solutions», explique Claude Tessier.

Pour inclure de plus en plus de monde dans le «mouvement», IGA a tenu une journée à l'intention de ses fournisseurs, en octobre. «On leur a dit que s'ils voulaient tester de nouveaux produits, de nouveaux emballages, IGA, c'était la place. Qu'on était ouverts.» Dans la salle, 350 entreprises ont entendu le message.

Il y a encore du travail à faire en ce qui concerne l'image d'IGA, et Claude Tessier est le premier à l'admettre. «La perception, c'est que nous avons des prix plus élevés qu'en réalité. On nous croit plus cher que Metro ou Provigo, alors que nos études nous prouvent le contraire.»

Multiplier aussi les formats

IGA est le seul détaillant du Québec à avoir multiplié les formats de magasins en ouvrant depuis un an de toutes petites surfaces, de la taille d'un gros dépanneur. Appelées IGA mini et IGA express, les deux enseignes jouxtent des stations-service Shell. Ces hybrides entre un supermarché, un dépanneur et un restaurant rapide visent les «gens qui ont peu de temps pour cuisiner ou qui sont en déplacement». Leur concept rappelle ce qu'on peut voir en Europe, aux États-Unis ou en Ontario.

L'épicier a également mis la main, en 2005, sur la petite chaîne d'aliments bio et naturels Rachelle-Béry.

Ainsi, IGA regarde ce qui fonctionne dans ces concepts et fait «de plus en plus de croisements entre ses enseignes», note Claude Tessier. Par exemple, les noix réfrigérées de Rachelle-Béry sont désormais vendues dans certains IGA et IGA express.

Parallèlement, le détaillant cherche à comprendre les nouvelles façons d'acheter qui émergent, ce qui est «un grand défi stratégique», convient le dirigeant. Il cite en exemple les achats en ligne livrés à la maison et le Click&Collect (achat sur le web et récupération de la commande au magasin). «Je ne suis pas sûr que le supermarché de l'avenir existe. [...] Il faut se questionner.»

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SOBEYS QUÉBEC EN CHIFFRES

284

Nombre de supermarchés IGA et IGA extra (40 000 pieds carrés)

10

Nombre de magasins Rachelle-Béry (de 7000 à 10 000 pieds carrés)

4

Nombre de marchés IGA express (de 3500 à 4000 pieds carrés)

4

Nombre de IGA mini (de 2000 à 2680 pieds carrés)

1,9 million

Nombre de clients par semaine

40 000

Nombre approximatif d'employés, dont 700 au siège social

Sobeys exploite aussi Marchés Tradition, Bonisoir, Bonichoix, Omni, Voisin, Bonisoir et Le Dépanneur

Forces

> Réseau de marchands propriétaires de leur magasin

> Grande autonomie de Sobeys Québec (au sein de Sobeys). Centre décisionnel au Québec.

> Ouverture et flexibilité envers les fournisseurs (pour faire des essais en magasin)

> Seul détaillant en alimentation du Québec à permettre les achats en ligne

Faiblesses

> Les consommateurs perçoivent les prix comme étant élevés.

> Relève entrepreneuriale difficile à trouver quand un marchand arrive à la retraite.

> Pas d'enseigne au rabais, un segment de marché qui gagne en popularité.

> Le marché connaît peu de croissance et est très sensible à l'inflation.