Personne n'aime se déplacer pour tomber sur un produit en rupture de stock, se faire induire en erreur par un commis mal informé ou attendre au téléphone 15 minutes pour obtenir une information. Pour un nombre sans cesse croissant de consommateurs, la solution est bien simple: se renseigner sur le web.

L'an dernier, 85% des Québécois ont fait des recherches sur le web avant d'effectuer un achat (en ligne ou en magasin), selon le CEFRIO. Et la majorité d'entre eux (53%) a consulté les sites de fabricants et de détaillants. Au moindre point d'interrogation, il est facile et rapide de contacter l'entreprise au moyen du formulaire généralement fourni. Mais encore faut-il qu'une réponse adéquate soit donnée pour que le processus soit satisfaisant.

Les entreprises en sont conscientes et elles agissent en conséquence, observe Louis Fabien, professeur à HEC Montréal et spécialiste du service à la clientèle. «Elles mettent de plus en plus d'argent dans les centres d'appels [qui répondent aussi aux courriels, généralement]. C'est le plus gros virage que j'ai vu dans le service à la clientèle depuis 15 ans.»

Elles n'ont pas le choix, puisque le service avant la vente est devenu encore plus important que le service offert pendant et après la vente, juge l'universitaire qui a créé l'Expérimètre, un outil servant à mesurer la qualité du service à la clientèle.

Voxdata Solutions, qui offre des services de centre d'appels et de gestion des courriels en impartition, observe aussi une augmentation des investissements et une volonté d'accroître la qualité des prestations. Pour certaines entreprises, cela se traduit par un rapatriement au Canada de leur centre d'appels, après une expérience décevante en Asie, relate Simon Pierre Trahan, vice-président, stratégie et développement corporatif. D'ailleurs, Voxdata «mise beaucoup sur cette tendance-là» pour accroître sa rentabilité.

«Le service à la clientèle, c'est le nerf de la guerre pour tout le monde, résume le dirigeant. Ça permet d'être recommandé, d'être bien vu sur les médias sociaux. Un bon service, ça suscite plein de retombées positives, c'est la meilleure des publicités.»

Tributaire de la techno

Le manque de temps des consommateurs est clairement à l'origine de ce tournant. «On veut contacter rapidement les entreprises et quand ça ne fonctionne pas, on appelle un concurrent. La maîtrise des nouvelles technologies de contact devient donc une arme redoutable, et le téléphone peut faire gagner ou perdre beaucoup d'argent aux entreprises», résume Louis Fabien.

Par exemple, pour être efficaces, les employés doivent avoir accès aux stocks de tous les magasins en temps réel. Ce qui suppose que l'entreprise dispose d'un système informatique performant et multicanaux. Bref, la qualité du service à la clientèle ne repose plus seulement sur les habiletés interpersonnelles des employés, mais aussi sur les investissements effectués par leur employeur en technologie.

À ce sujet, le cas de Bell est probant. Impossible de composer un seul numéro pour résoudre tous ses problèmes. L'entreprise possède quatre numéros de téléphone (deux 1800, un 1877 et un 1888). «Chaque service possède son propre système d'information, et ces systèmes ne se parlent pas. Ce sont des problèmes structurels importants. Les investissements auraient dû se faire il y a 10 ou 15 ans», croit Louis Fabien.

Pendant et après

Qu'en est-il du service à la clientèle pendant la vente? Là aussi, les sommes investies augmentent, observe Andrée-Anne Chaillers, responsable du développement des affaires chez Statopex, une entreprise lavalloise qui offre des services de clients-mystères. «Le consommateur arrive en magasin bourré d'information. Il est allé sur le web, il a fait un travail de recherche chez lui. Ça fait en sorte que plusieurs entreprises investissent plus en formation.»

Même si elle ne peut l'expliquer, elle observe que le Québec demeure «une marche derrière les États-Unis, l'Europe et le Japon en matière de service à la clientèle». Un point de vue rejeté par Patricia Lapierre, directrice générale chez Détail Québec. Elle convient toutefois qu'il y a «souvent des lacunes lors de l'embauche» et que plusieurs détaillants n'investissent pas en formation, car «ils croient que le service, c'est inné».

Quant au service après-vente, il ne doit pas être négligé. «C'est ce qui provoque le plus de plaintes, le plus de frustrations et de pertes de clients», note Louis Fabien. Idéalement, les entreprises doivent être faciles à joindre, s'efforcer de corriger la situation à la satisfaction du client et dédommager les personnes déçues. Or, le professeur constate que, pour bon nombre d'entreprises, dès qu'une vente est conclue, la relation avec le client vient de prendre fin.

Quelles ressources pour le service?

Après avoir testé le service à la clientèle par internet de 17 entreprises, nous en avons contacté certaines - des bonnes et des moins bonnes - afin de savoir de quelle manière elles traitent les demandes reçues. Et quelles ressources elles allouent au service à la clientèle.

Rona

Le quincaillier possède son propre centre d'appels à Boucherville pour répondre aux demandes provenant de toutes les provinces canadiennes. Les cinq employés de ce service répondent «de 8h à 20h» à 40 000 appels et 15 000 courriels par année, un nombre «très, très en croissance». L'objectif de Rona est de donner suite à toutes les demandes et plaintes en 48 heures. Un site web bien fait et complet permet de réduire le nombre d'appels, explique Claire Bara, vice-présidente au marketing. «Un site, c'est la vitrine avant la vitrine. Les gens veulent voir les produits avant de se déplacer. C'est fondamental. C'est ma priorité absolue que les gens trouvent l'information qu'ils cherchent et que l'expérience soit agréable. [...] Ça nous oblige à mettre 100% de nos produits en ligne, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. On doit aussi améliorer le moteur de recherche.»

Saint-Méthode

Même une boulangerie qui ne vend pas directement aux consommateurs se doit d'avoir un service à la clientèle. Saint-Méthode, d'Adstock, dans la région de Chaudière-Appalaches, affecte l'équivalent d'une personne et demie à cette tâche. Le moindre petit changement dans une recette peut provoquer bien des réactions. «Vous n'avez pas idée à quel point les gens regardent les emballages. À un moment donné, on a changé de farine et on a eu plein de commentaires au sujet de l'augmentation de la quantité de fibres. Même chose pour la diminution du sel [qui n'a pas été inscrite sur l'emballage]. Quand on améliore un produit, on ne prévient pas toute la population!», raconte le président, Benoît Faucher. Les 25 demandes reçues par internet hebdomadairement sont traitées dans les 24 heures. À cela s'ajoutent 60 appels par semaine. Benoît Faucher s'est dit «déçu» d'apprendre que nos questions étaient demeurées sans réponse (en raison d'un problème informatique découvert par la suite, selon l'entreprise). «S'il y a quelque chose de prioritaire, c'est bien de répondre aux clients.»

STM

À la Société de transport de Montréal, huit personnes répondent aux commentaires et aux plaintes reçus par courriel et par téléphone. Elles en traitent 60 000 par an (45% de plaintes, 55% de commentaires), soit 164 par jour, en moyenne. Une autre équipe est chargée des renseignements tels que les trajets. En règle générale, les réponses sont acheminées par courriel en 24 à 48 heures. Les cas plus complexes seront «pris en charge en 72 heures maximum», précise Julie Clouâtre, chef de division, renseignements et service, clientèle. «C'est plus difficile de répondre au téléphone, car il faut gérer la colère du client. Par courriel, même si le ton est sec, on n'a pas à faire ça. Par contre, par courriel, il faut s'assurer de la qualité du français.» Puisque certains commentaires sont récurrents, une banque de réponses toutes faites est fournie aux employés, ce qui accélère le processus. Quant aux plaintes, elles sont «toutes examinées», jure-t-on, afin d'améliorer le service.

MAAX

MAAX possède des centres d'appels à Lachine et à Sainte-Marie (Beauce), employant au total une quinzaine d'employés. Les questions sont très variées: de l'entretien des bains à la façon d'installer une douche, en passant par la garantie. Et comme les détaillants - quincailleries et boutiques spécialisées - ne vendent pas de pièces de rechange, MAAX en met un grand nombre à la poste. Le manufacturier «en pleine croissance» cherche d'ailleurs à réduire le temps consacré par ses employés à cette tâche. «La prochaine année en sera une d'investissement dans notre site internet. On va ajouter un outil pour permettre aux gens de trouver une pièce et de la commander en ligne», explique Line Boulanger, directrice du service à la clientèle.

L'impact des médias sociaux

«Les médias sociaux ont tellement changé la donne. Il y a 15 ans, on disait qu'un client insatisfait en parlait à 8 ou 10 personnes. C'était avant Facebook. Aujourd'hui, en quelques secondes, on le dit à 250 personnes», affirme Andrée-Anne Chaillier, directrice du développement des affaires de Statopex (services de clients mystères).

À qui les 25-34 ans font-ils part de leurs expériences*?

Bon service

57% en parlent à des amis

28% l'écrivent sur Facebook

18% l'écrivent sur des sites d'évaluation

Mauvais service

60% en parlent à des amis

31% l'écrivent sur Facebook

20% l'écrivent sur des sites d'évaluation

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Les clients mal servis sont plus nombreux à s'exprimer*

32% des consommateurs donnent de la rétroaction aux entreprises qui les ont mal servis.

23% des consommateurs donnent de la rétroaction aux entreprises qui les ont bien servis.

* Source: What Happens After a Good or Bad Experience. Étude américaine du Temkin Group dévoilée en février 2014 (10 000 personnes sondées au sujet de 268 entreprises dans 19 industries).