Trois ans après avoir entamé un virage pour quitter le créneau de la mode pour jeunes, Le Château est rendu à l'étape des communications. Le détaillant doit faire connaître son nouveau positionnement. Un défi de taille qui doit être relevé au moment même où le marché du vêtement traverse une période des plus éprouvantes.

«Dieu merci, on est sortis du marché pour junior!», lance la présidente et secrétaire du Château, Emilia Di Raddo, rencontrée en marge de l'assemblée annuelle des actionnaires, la semaine dernière. À son avis, ce marché est saturé, et ça n'a pas de sens de compétitionner avec les géants H&M et Forever 21. «Il fallait trouver une niche dans laquelle nous serions tout seuls. Nous avons fait des changements pour l'avenir. C'est comme si nous avions lancé une nouvelle entreprise.»

Le détaillant montréalais a choisi de rehausser la qualité et le prix de ses vêtements pour séduire les femmes de 35 ans qui recherchent des vêtements «contemporains». Le créneau n'est pas totalement vierge - on y trouve notamment Zara -, mais il est moins surchargé.

Nouveau décor dans les magasins

Or, changer l'allure de ses collections ne suffit pas, convient la dirigeante. L'aménagement des magasins doit être cohérent avec la marchandise qui y est présentée. Jusqu'ici, 15 magasins ont adopté le nouveau concept, dévoilé aux Promenades St-Bruno à l'automne 2011. C'est bien peu, puisque Le Château compte 184 magasins traditionnels au Canada (auxquels s'ajoutent 40 magasins de liquidation).

«Il faut attendre la fin des baux pour rénover et renouveler [de 5 à 10 ans]. Sinon, on investit et on n'a pas garantie de ce qui va arriver. Le propriétaire peut décider de nous déménager», justifie Emilia Di Raddo.

D'ici la fin de l'année, une seule autre conversion est planifiée, au centre commercial Bay Shore, près d'Ottawa. L'investissement moyen par magasin tourne autour de 800 000$. Le Château refuse de chiffrer les résultats obtenus dans ses magasins rénovés, mais affirme que le panier moyen est en hausse «dans les deux chiffres».

Les robes et les chaussures en vedette

Le nouveau concept met l'accent sur deux catégories: les robes et les chaussures, qui se trouvent désormais toutes deux près de l'entrée. «Les clientes entrent directement en contact avec nos deux forces. Au Carrefour Laval, les robes ont même droit à leur propre entrée», souligne Franco Rocchi, vice-président principal, ventes et exploitation. Les chaussures sont intéressantes d'un point de vue financier, car la marge de profit brute qu'elles génèrent est supérieure à celle des vêtements.

De plus, les chaussures (dont les prix vont de 59 à 125$) permettent d'accroître la facture moyenne, de faire du Château un «one-stop shop» qui habille et accessoirise les femmes de la tête aux pieds, dit Johnny Del Ciancio, vice-président aux finances. Les ventes de ce rayon (dont la superficie a doublé) ont bondi de 13% en 2013, de sorte qu'il a généré 11,3% des revenus (comparativement à 10% un an plus tôt).

Les dirigeants ont beau croire au potentiel de leur nouveau concept, l'image du Château doit changer dans la tête de celles qui achetaient des vêtements à très bas prix il y a 10 ans. «Notre principal handicap, c'est notre historique. Les gens se souviennent du passé», confie Emilia Di Raddo.

L'impact du web

Le Château constate qu'il est plus difficile qu'avant de joindre les consommatrices. S'il fut un temps où toutes les tendances étaient dans quelques magazines, elles sont désormais éparpillées sur les médias sociaux et les blogues. Cette grande fragmentation complique les choses.

Le web a aussi une incidence sur les magasins en brique et mortier, et pas seulement ceux d'électronique. «Il ne faut pas seulement se questionner sur le nombre de magasins que nous voulons avoir, mais aussi sur leur taille. On ne connaît pas l'avenir. Est-ce que les ventes en ligne vont atteindre 5% ou 10% des ventes globales?», se demande Emilia Di Raddo.

L'an dernier, les ventes en ligne du détaillant ont bondi de 82%, ce qui en fait «le magasin qui génère le plus de ventes».