L'entreprise Best Buy, qui exploite l'enseigne Future Shop, quittera-t-elle le Carrefour de la Rive-Sud? Son magasin est fermé «définitivement» depuis dimanche soir, mais le détaillant n'a pas annoncé au propriétaire du centre commercial qu'il pliait bagage. Il effectue plutôt de mystérieux travaux dans son local.

Le bail du magasin d'électronique, dont les employés tentaient de se syndiquer, viendra à échéance en 2016. Aucune demande de rupture de bail n'a été transmise au principal propriétaire du Carrefour de la Rive-Sud, North American Development Group (NADG). En fait, le détaillant ne l'a même pas prévenu qu'il fermait son Future Shop. L'équipe de gestion et de location a eu la surprise de l'apprendre dans les médias, une fois que c'était chose faite.

Depuis cette fermeture inattendue, annoncée aux employés dimanche soir, Best Buy n'est pas entrée en contact avec NADG pour discuter de la suite des choses, a indiqué à La Presse le directeur du développement, Sylvain Forté. Ainsi, M. Forté ne sait pas en quoi consistent les travaux en cours. Il ne sait pas davantage ce qu'il adviendra du local dans la prochaine année et demie. «Mais c'est clair qu'on va avoir des discussions dans l'avenir», a-t-il ajouté.

Le Future Shop affirme avoir cessé ses activités dans le cadre «d'une restructuration de nature économique». NADG soutient cependant n'avoir reçu aucune demande d'allègement du loyer, une pratique courante quand un détaillant éprouve des difficultés financières.

Si Best Buy veut laisser le local vacant, son bail le lui permet. Mais ce n'est assurément pas l'idéal pour NADG. «La demande en pieds carrés est forte à Boucherville. C'est évident qu'on aimerait que ce soit occupé», note Sylvain Forté. Best Buy pourrait aussi sous-louer à un autre détaillant, mais à certaines conditions.

Accréditation syndicale obtenue 

La conversion du Future Shop en Best Buy est une autre option. Cela serait même très simple puisque c'est l'entreprise Best Buy, et non pas l'enseigne Future Shop, qui a signé le bail, nous a confié une source fiable. D'ex-employés soupçonnent d'ailleurs que les travaux, qui comprendraient un changement de couleur selon nos informations, soient effectués dans ce but.

Pour les TUAC, cette éventualité n'a «juste pas d'allure». Surtout que les ex-employés sont bel et bien syndiqués depuis jeudi. «Même si le magasin est fermé, le ministère du Travail a fait son enquête par téléphone et l'établissement a été accrédité. Best Buy ne s'attendait pas à ça!», lance le président des TUAC local 500, Tony Filato. En conséquence, si Best Buy rouvrait dans le même local, les ex-employés devraient être rembauchés.

La fermeture du Future Shop de Boucherville est survenue deux semaines après que la quarantaine d'employés eurent déposé une demande d'accréditation syndicale. Il n'en fallait pas davantage pour convaincre les TUAC et les employés que le géant américain a fermé ce magasin pour se débarrasser d'un éventuel syndicat. La fermeture sera d'ailleurs contestée, promet Tony Filato, en vertu de l'article 59 du Code du travail.

Mutisme de Best Buy 

Le porte-parole de Best Buy et Future Shop au Québec, Thierry Lopez, refuse depuis lundi de nous parler. Mercredi, il a fait savoir - par le truchement du cabinet de relations publiques Edelman - qu'il était disponible seulement pour discuter du nouveau coin maternité des magasins Best Buy.

Sur les ondes d'une station de radio, jeudi, le député néo-démocrate de Longueuil-Pierre-Boucher, Pierre Nantel, a déploré le fait que le détaillant ne donne pas davantage d'explications sur la situation.

Il y a une semaine, la Cour suprême a statué que Walmart Canada avait fermé illégalement son magasin syndiqué de Jonquière, en 2005. Le géant de la vente au détail avait contrevenu à l'article 59 du Code du travail qui impose un gel des conditions de travail à partir du moment où des employés déposent une demande d'accréditation. La fermeture a provoqué un changement dans ces conditions, a tranché le plus haut tribunal du pays. Les 180 employés avaient été accrédités en 2004. L'indemnité qu'ils recevront n'a pas encore été établie.

Future Shop a fermé, en 2013, son seul magasin syndiqué du Québec, parce qu'il n'était pas rentable. Les employés étaient accrédités depuis un an (TUAC), mais sans convention collective. Un arbitre était sur le point d'être nommé pour en imposer une. Les TUAC n'avaient pas contesté la fermeture.