Les actionnaires de Reitmans (T.RET) s'impatientent. Le titre du détaillant pique du nez et les ventes reculent depuis trois ans. Hier, quatre actionnaires ont profité de l'assemblée annuelle pour poser des questions, ce qui ne s'était jamais vu.

Les assemblées de Reitmans sont toujours expéditives. Elles se terminent normalement après une quinzaine de minutes tout au plus. Mais hier, surprise, quatre actionnaires mécontents ont tenté d'obtenir des réponses. Ce qui a eu pour effet de prolonger la rencontre... à 24 minutes.

La faiblesse des résultats du premier trimestre, divulgués sur l'heure du souper mardi, a fait plonger l'action de l'entreprise de 11% hier. Elle a terminé la séance à 6,07$, alors qu'elle valait près de 11$ en août dernier. Il y a trois ans, le titre s'échangeait au-dessus de la barre des 15$.

Un premier actionnaire a demandé si le marketing n'était pas déficient, étant donné que le «produit est bon» mais ne se vend pas. C'est le président et chef de l'exploitation, Stephen Reitman, qui n'avait pas encore pris la parole, qui lui a répondu. «Vous ne voyez peut-être pas autant de publicité, mais nous réévaluons constamment quelle est la meilleure manière de rester en contact avec nos clientes. C'est essentiel. Nous dépensons beaucoup en marketing. Nous n'avons pas coupé le budget.»

Un autre investisseur a voulu savoir si la direction de Reitmans était ouverte à ce qu'un représentant de la société d'investissement Fairfax Financial (qui détient 14% des actions sans droit de vote) puisse siéger au conseil d'administration, advenant que sa participation monte à 20%. «Cela amènerait du sang neuf!», a-t-il valoir. «Nous sommes ouverts aux suggestions», lui a répondu Jeremy Reitman, président du conseil et chef de la direction, visiblement irrité par toutes ces questions.

Cet actionnaire, qui travaille comme courtier pour une grande institution, trouve que Reitmans pourrait en faire plus pour redresser la barre. «Il faut qu'ils ferment plus de magasins, qu'ils cessent de donner un tel dividende. Une entreprise de 90 ans peut faire mieux que ça, nous a-t-il confié. La seule chose qui me donne confiance, c'est l'intérêt de Fairfax. Ils vont protéger leur investissement. Le problème, c'est qu'ils achètent des actions sans droit de vote.»

Actifs, volonté et discipline

«Nous faisons les bonnes choses, s'est défendu Jeremy Reitman, au cours d'un entretien avec La Presse, quelques minutes après l'assemblée. Je ne veux pas fermer des magasins qui sont des sources potentielles de profit. Nous ne résilions pas des baux, cela coûte trop cher.»

Qu'a-t-il à dire aux actionnaires pour les rassurer? «Nous avons les meilleurs actifs dans le secteur de la vente au détail, que ce soit les baux, les personnes ou les systèmes. Nous sommes disciplinés. Nous avons la volonté de faire croître les ventes.»

Le dirigeant précise que son objectif pour la prochaine année est «d'augmenter les ventes à un niveau approprié, à un niveau qui assure la profitabilité de l'entreprise». Et il promet de «faire tout ce qu'il faut pour y arriver».

Moins de Smart Set

La rationalisation se poursuivra donc. D'ici neuf mois, 44 magasins seront fermés. Cela s'ajoutera aux 33 fermetures (bilan net) de l'an dernier. Des baux seront négociés. Depuis novembre, 75 postes ont été supprimés et d'autres le seront, mais il n'a pas été possible de savoir combien. Tout cela a engendré des économies de 2 millions au premier trimestre terminé le 3 mai. Jeremy Reitman n'a pas voulu chiffrer ses efforts de rationalisation pour l'ensemble de l'exercice en cours.

L'enseigne pour jeunes filles Smart Set - qui vit des heures particulièrement difficiles malgré des efforts soutenus de repositionnement - est par ailleurs devenue une simple division des magasins Reitmans, plutôt que d'avoir sa propre équipe de gestion. Plusieurs magasins seront fermés, et les locaux seront utilisés par d'autres enseignes du groupe.

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«LA PÉRIODE LA PLUS DIFFICILE QUE J'AI JAMAIS VUE»

Plusieurs détaillants de vêtements québécois disent traverser une tempête d'une amplitude rarement, voire jamais vue. Reitmans ne fait pas exception.

«C'est la période la plus difficile que j'ai jamais vue. Et je suis en affaires depuis au moins 40 ans, affirme Jeremy Reitman. Il y a plusieurs problèmes combinés au même moment. La compétition de plus en plus féroce des détaillants étrangers, la compétition en ligne et les femmes qui ne magasinent plus de la même manière. Tout le monde se promène au centre-ville avec son téléphone [avec lequel des achats peuvent être effectués]. Ce sont de très, très gros changements.»

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AUTRE TRIMESTRE DIFFICILE

> Ventes: 206,5 millions (- 4,8%)

> Ventes comparables: - 3,6%

> Marge brute: 59,4%, comparativement à 64,6% au trimestre correspondant de l'exercice précédent

> Perte nette: 13,4 millions (perte nette de 2,6 millions au premier trimestre de l'an dernier)

> Perte par action: 21 cents (4 cents au premier trimestre de l'an dernier)