Après six décennies au Canada, l'entreprise américaine Sears Holdings Corporation (SHLD) s'apprête à faire ses valises. Si la décision de quitter le pays est prise, la façon de le faire reste toutefois à déterminer.

Hier, le détaillant a indiqué qu'il explorait toutes les «possibilités stratégiques», y compris la vente de ses actions de Sears Canada (dont la valeur sur le marché est de 800 millions de dollars) et «la vente de Sears Canada dans sa totalité». Les experts du secteur s'entendent pour dire qu'il est hautement improbable qu'une entreprise achète Sears pour continuer d'exploiter les magasins, dont les ventes reculent depuis des années. Quels sont les scénarios les plus probables? Cinq experts répondent.

Si personne ne veut acheter Sears dans son ensemble, qu'arrivera-t-il?

«Le plus probable, c'est que l'entreprise soit vendue morceau par morceau. Que tout soit acheté en bloc serait surprenant, car c'est trop gros. Ça ressemble à une liquidation ordonnée des actifs», répond Terry Henderson, de J.C. Williams Group. Des Américains qui veulent entrer au Canada (comme Dick's Sporting Goods, Nordstrom, Macy's et Kohl), et d'autres commerces souhaitant prendre de l'expansion (Walmart, Target, Canadian Tire, Sail, Crate&Barrel, Williams-Sonoma et Lowe's, par exemple) pourraient vouloir quelques locaux chacun. Une entreprise pourrait être intéressée à acheter tous les baux pour sous-louer les emplacements, croit de son côté David Soberman, professeur à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto.

Les locaux pourraient-ils intéresser les chaînes de supermarchés ou même Costco qui souhaite ouvrir 25 magasins au cours des prochaines années?

«Costco n'irait pas dans les centres commerciaux. Ils sont super exigeants avec les stationnements. Ils veulent de grandes cases avec des bandes entre les espaces pour que ce soit facile pour les clients de mettre leurs achats dans leur auto. Ça veut dire qu'il faut prendre un espace et demi pour en faire un. Et tes ratios négociés avec les autres détaillants t'empêchent de faire ça», répond un expert immobilier. D'autres observateurs croient que le départ de Sears pourrait donner l'occasion aux supermarchés européens Tesco et Carrefour d'entrer au Canada, mais les Européens n'ont jamais eu un grand succès en Amérique.

Un fonds d'investissement privé pourrait-il acheter Sears Canada avec l'espoir de remettre l'entreprise sur les rails?

Selon l'analyste Keith Howlett, de Desjardins Marchés des capitaux, des fonds tels que Sun Capital, Hilco et Gordon Brothers pourraient démontrer de l'intérêt en s'associant avec des partenaires. Or, les experts du secteur doutent fort qu'un redressement soit possible, étant donné que les baux des meilleurs magasins au Canada - Toronto, Vancouver, Ottawa, Calgary - ont déjà été vendus. «Que vaut cette marque? Les gens ne magasinent plus chez Sears. Y a-t-il quelque chose à réanimer? Et s'il y avait réanimation, ce serait pour en faire quoi?», demande Terry Henderson.

Individuellement, les propriétaires des centres commerciaux vont-ils être intéressés à racheter les baux?

Dans les plus petites villes moins attrayantes pour les gros détaillants américains - comme Trois-Rivières, Sorel, Saint-Georges ou Drummondville -, les propriétaires ne voudront pas courir le risque de se retrouver avec un immense local vide, croit un expert en immobilier. Mais dans certains cas, il pourrait y avoir beaucoup d'intérêt. Comme on le voit ailleurs dans le monde, les mails voudront peut-être ajouter des restaurants, des pistes de go-kart, des cinémas, des manèges et des patinoires, avance David Soberman. Là où il manque cruellement de stationnement, on va peut-être raser les magasins, tout simplement. Chose certaine, le portrait va changer avec le départ d'un aussi gros détaillant!

Est-il envisageable que les immenses locaux soient scindés?

Dans certains centres commerciaux sur un seul étage (Mail Champlain à Brossard, Galeries Chagnon à Lévis), Sears occupe deux étages. Le réaménagement serait donc très difficile. Et cela ferait beaucoup de petits locaux à louer, dans un contexte très difficile économiquement pour les détaillants. Il ne faut pas oublier que les ardeurs des détaillants américains qui pensaient entrer au Canada ont été refroidies par l'expérience difficile de Target. Mais vu les bas prix des loyers de Sears, Kyle B. Murray, directeur du School of Retailing de l'Alberta School of Business, est «certain que plusieurs détaillants vont regarder attentivement les baux» qui sont en vente.

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LE PORTRAIT DE SEARS AU CANADA

> Présent au Canada depuis 61 ans (le premier magasin a ouvert à Stratford, en Ontario, le 17 septembre 1953)

> Siège social: rue Yonge, à Toronto

> 113 magasins traditionnels

> 48 Sears décor

> 11 magasins de liquidation

> 4 magasins d'appareils ménagers et de matelas

> 234 petits magasins locaux exploités par des propriétaires indépendants

> 1400 comptoirs de ramassage des commandes par catalogue

> 97 agences de voyages

> Possède les marques Kenmore (électroménagers) et Craftsman (outils).

> Ses catalogues sont distribués dans 3 millions de foyers canadiens.

> Appartient à l'entreprise américaine Sears Holdings Corporation cotée en Bourse (NASDAQ: SHLD).