Depuis toujours, des entreprises sont créées et d'autres meurent. Mais certaines disparitions sont plus marquantes que d'autres. C'est souvent le cas dans la vente au détail, puisque les commerces font partie de notre quotidien. Nous avons demandé à des experts d'expliquer comment Jacob en est arrivé à devoir cesser ses activités.

Concurrence mondiale accrue

«La réalité, c'est qu'il reste de moins en moins de place pour les acteurs locaux qui ont peu de volume. Et ce n'est pas unique au Québec, on voit ça ailleurs aussi. Les H&M, Forever 21 et Zara de ce monde ont pris des parts de marché aux détaillants québécois. Ce sont d'énormes machines», souligne un dirigeant qui oeuvre dans le secteur depuis plus de 30 ans. Tandis que les secteurs de l'alimentation et de la pharmacie n'ont pas été ébranlés par la concurrence étrangère, celui du vêtement est frappé de plein fouet, rappelle-t-il.

Adversaires féroces

Les concepts qui nous arrivent de l'étranger ont été éprouvés. D'ailleurs, c'est grâce à leur succès qu'ils ont les moyens de prendre de l'expansion à l'étranger. Ces premiers de classe sont presque toujours en Bourse. Cela les aide à prendre de l'expansion rapidement, ce qui est plus difficile pour les entreprises privées comme Jacob. Leurs gros moyens leur permettent aussi de louer les locaux les plus prisés dans les centres commerciaux les plus performants. «C'est celui qui paie le plus et qui vend le plus qui remporte les bons espaces», résume un gestionnaire de centres commerciaux.

One-man-show

«Jacob, c'était un one-man-show, dit une personne qui connaît bien l'entreprise. Joey [Basmaji, le président] fait à sa tête. Quand tu prends du monde dans ton entreprise et que tu leur fais gravir les échelons, tu deviens leur héros et eux, des yes-men. Joey n'était pas confronté en réunion. Quand les gens ont peur de te parler, ce n'est pas sain. Mais ce n'est pas le seul entrepreneur comme ça, qui sait tout et ne peut rien apprendre de personne.»

Qui était la cliente cible?

Dans les années 80 et 90, Jacob visait la femme de carrière avec ses vêtements classiques et de bonne qualité. À un certain moment, son positionnement a changé, note Serge Carrier, expert en commercialisation de la mode à l'UQAM. «Je pense qu'ils ne savaient plus qui était leur cliente cible. Quand tu tentes de concurrencer H&M et Zara, tu rentres dans les ligues majeures. Il te faut une rotation continuelle des stocks, pas juste quatre collections par année, et il te faut un excellent rapport qualité-prix. [Le fast-fashion], c'est une autre business.»

Acquisition technologique coûteuse

Avant de se placer à l'abri de ses créanciers, en 2010, Jacob avait investi plusieurs millions dans le logiciel SAP. «SAP, c'est un système extraordinaire pour une grande compagnie comme GM ou Bombardier, mais c'est lourd et compliqué à implanter. Ç'a été très problématique pour Jacob. Ils ont mis trop de temps, d'énergie et d'efforts là-dedans et ça a fait boule de neige. Car pour augmenter les liquidités, ils se sont mis à vendre des vêtements plus bas de gamme», relate Serge Carrier. D'autres experts notent que Jacob a abaissé la qualité de ses vêtements parce que les jeunes ne veulent plus payer pour ça.

Situation généralisée

Plusieurs facteurs macroéconomiques rendent la vie difficile aux détaillants de vêtements : le huard a perdu 10 % de sa valeur, la population n'augmente pas et vieillit (les jeunes achètent plus de vêtements que les retraités), la confiance des consommateurs est faible, leur endettement est élevé, le revenu disponible stagne car des dépenses inévitables bondissent (essence, électricité, taxes municipales et scolaires). «Aujourd'hui, les gens achètent un vêtement quand ils ont l'impression de faire un deal. Ça veut dire que la marge de profit est réduite. Et c'est avec cette marge plus petite qu'il faut payer des loyers, des salaires et des frais de transport en hausse», note un expert.

Marché canadien du vêtement

Total des ventes en 2013 : 28 milliards

Femmes : 16 milliards

Hommes : 9 milliards

Enfants : 3 milliards

Progression des ventes

2013 : + 1,8 %

2012 : + 1,0 %

Sources : Données de Statistique Canada traitées par Trendex North America

Les gagnants et les perdants

Bikini Village : - 15,2 %

La Senza : - 8,1 %

Moores : - 7,2 %

Children's Place : - 5,7 %

Reitmans : - 4,0 %

Danier : - 2,5 %

TJX Canada (Winners) : - 1,6 %

Sears (vêtements seulement) : - 0,8 %

Le Château : 0,0 %

Gap Canada : + 5,2 %

Old Navy Canada : + 1,9 %

H&M Canada : + 3,0 %

Lululemon : + 16,0 %

Source : Trendex North America