Formé par l'école du hockey plutôt que par les grandes universités, le PDG de Proxim, Alain Arel, se décrit comme «une bibitte différente». Ça tombe bien. La chaîne de 238 pharmacies qu'il dirige ne fait pas les choses comme les autres.

Du moins, Proxim est aux antipodes des plus importants acteurs de son industrie, Pharmaprix (Shoppers Drug Mart) et Jean Coutu, qui vendent du fromage, des pelles, des ordinateurs et des pantalons de yoga entre deux ordonnances. Et qui agrandissent sans cesse leurs magasins. Même si la tentation de les imiter existe, Proxim - un regroupement de pharmaciens indépendants - résiste depuis sa création, en 2006.

Ses points de vente sont petits (2800 pi2 en moyenne). L'accent est mis sur la vente de médicaments, sur la relation du client avec le pharmacien, souvent sur place.

Ainsi, pas moins de 90%, voire 95% des profits proviennent de la vente de médicaments et la clientèle est majoritairement composée de personnes âgées. «Notre modèle est complètement différent. On construit sur nos forces au lieu de se diversifier et de se mettre à vendre du lave-glace», résume Alain Arel, président-directeur général de Proxim depuis trois ans.

La rentabilité n'en souffre pas, bien au contraire, jure-t-il. Au pied carré, les marges sont «similaires» à celles des gros Pharmaprix et Jean Coutu, qui paient des loyers plus élevés et emploient beaucoup de monde. «Une pharmacienne voulait construire un magasin de 5000 pi2, raconte le dirigeant. On l'a convaincue que 2500, c'était suffisant. Aujourd'hui, elle nous remercie.»

Certes, le papier hygiénique en solde attire les clients. Mais pour rentabiliser une vente à perte, il faut vendre plein d'autres choses... Les cosmétiques - sur lesquels misent beaucoup Jean Coutu et Pharmaprix - procurent des marges de profit élevées, reconnaît-il, mais ça requiert beaucoup d'espace.

Nous avons rencontré Alain Arel le matin même où le Bureau de la concurrence autorisait Loblaw à acheter Shoppers Drug Mart, qui exploite l'enseigne Pharmaprix au Québec. La méga transaction de 12,4 milliards ne l'inquiète pas. À son avis, elle n'aura pas de grand impact direct sur Proxim. Mais il en va autrement pour l'industrie.

Comme d'autres observateurs, il croit que cette acquisition en provoquera d'autres. «Tout le monde est à l'affût en ce moment. Il va se passer quelque chose dans les prochaines années, c'est clair, car il y a une pression économique. McKesson [propriétaire de Proxim] surveille ça de près.»

Pour accroître sa force de frappe, Proxim pourrait-elle envisager un regroupement avec Uniprix et Familiprix, des enseignes qui lui ressemblent? La porte est grande ouverte. «C'est une bonne idée. Il y a certainement eu des discussions [...] Il y a un naturel... Est-ce que ça se fera? Il y a des possibilités», confie Alain Arel, jugeant «minces» les probabilités que Proxim soit acquise par un rival.

Menace additionnelle

Chose certaine, il veut faire croître Proxim, une enseigne qui compte aujourd'hui 50 membres de moins qu'au moment de sa création il y a huit ans. «Le nombre de membres est stable, mais leurs ventes sont en hausse. C'est difficile d'accroître le nombre de succursales au Québec, mais ça peut se faire par acquisition.»

Entre-temps, une nouvelle menace pointe à l'horizon: la volonté de Jean Coutu, exprimée en janvier, de s'établir dans de petites municipalités avec un mini-concept.

Pour garder ses pharmaciens, Alain Arel continuera de leur vanter les mérites de la «liberté offerte par Proxim», son argument numéro un. «Si un propriétaire veut tout peindre en rose [la couleur de Proxim est le vert], ce n'est pas conseillé, mais il le pourrait. On les invite à dévoiler leur personnalité dans leurs concepts. Chez Jean Coutu ou Pharmaprix, toutes les succursales sont pareilles.»

Et cette liberté ne coûte pas cher, entre 25$ et 495$ par mois, insiste le dirigeant!

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PROXIM EN CHIFFRES

> Enseigne créée en 2006, issue de la fusion d'Essaim et d'Obonsoins

> Acquise par McKesson Canada en 2008 (filiale de McKesson Corporation, à San Francisco)

> Ventes de 800 millions

> 238 pharmacies

> 186 pharmacies Proxim (jusqu'à 4000 pi2)

> 52 Proximed (petites pharmacies collées sur des cliniques médicales, de 1000 à 1500 pi2)

> Siège social de Boucherville: 78 employés

> Répartition des ventes: 85% en médicaments sur ordonnance 10% en médicaments en vente libre 5% avant du magasin (cosmétiques, savon, confiserie, etc.)

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ATOMA, UNE NOUVELLE MARQUE PRIVÉE

Un «homme atomique» multicolore fait son entrée ces jours-ci dans les pharmacies Proxim. Se tenant en croix, il soigne le corps et s'occupe du bien-être des clients. Tel est le signe distinctif de la nouvelle marque privée Atoma, qui remplace Réservé.

«Souvent, les marques privées copient les marques nationales. Mais nous, on a fait quelque chose de très différent, d'épuré, de médical. Et les 600 produits ont le même look, ce qui ne se voit pas encore beaucoup au Québec», explique le PDG de Proxim, Alain Arel.

Après l'acquisition, en 2012, de plusieurs actifs de Katz Group, mais pas de sa marque Rexall, McKesson avait deux ans pour cesser de l'utiliser. Le distributeur approvisionne les Proxim du Québec et 2000 autres pharmacies hors Québec.

Trois possibilités ont été évaluées, raconte Alain Arel: utiliser Réservé (la marque de Proxim) dans tout le Canada, créer un nouveau nom pour les provinces anglophones ou concevoir une nouvelle marque pour tout le pays.

McKesson a choisi de confier à l'équipe de Proxim, à Boucherville, le mandat de concevoir rapidement une nouvelle marque. Le choix des produits, du nom et des couleurs, ainsi que la mise en marché ont été complétés en un an, alors que «ça prend généralement deux ans».

La qualité des produits Atoma est «égale» à celle des marques nationales, mais le prix est «meilleur», mentionne le dirigeant. Entre 50 et 60% des produits sont des médicaments en vente libre, le reste entre dans la catégorie santé-beauté.

Du même souffle, la marque Diem a été conçue. Elle est accolée aux «produits exclusifs et de qualité supérieure», ainsi qu'à une nouvelle gamme de services qui sera lancée en mai ou en juin.