Les politiciens sont aussi des consommateurs qui s'habillent, s'achètent du shampoing et des meubles comme tout le monde. Mais quand vient le temps de valoriser le secteur de la vente au détail et de reconnaître son importance dans l'économie, ils restent les bras croisés, déplore l'industrie.

«Le gouvernement donne des millions au secteur manufacturier. Le secteur du détail contribue autant à l'économie, mais on reçoit toujours zéro, zéro, zéro», se désole Léopold Turgeon, PDG du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD). La plus importante association de détaillants de la province a tenu son congrès annuel mardi et hier. Plus de 900 personnes y ont participé, presque deux fois plus que l'an dernier.

En pleine campagne électorale, la «faible valorisation» du secteur dans les politiques gouvernementales a été évoquée à maintes reprises. Tant par les dirigeants sur place que par ceux qui avaient enregistré des capsules vidéo diffusées sur les écrans géants.

«Le commerce de détail n'est pas assez reconnu. [Pourtant], c'est un moteur de l'économie», a affirmé, dans une vidéo, la présidente des magasins de meubles Mobilia, Danièle Bergeron. Un point de vue partagé par Danièle Henkel, présidente de l'entreprise du même nom.

Celui qui se bat quotidiennement contre Michaels, Marc DeSerres (propriétaire des magasins de matériel d'artiste du même nom), a pour sa part déploré «le manque de nationalisme» dans la province. «Il y a trop de détaillants américains. L'arrivée de géants, ça provoque des pertes d'emplois dans nos commerces. Je trouve ça triste que le gouvernement ne s'en occupe pas. C'est son rôle de développer la fierté nationale», a-t-il déclaré devant des centaines d'acteurs de l'industrie.

Pas des gazelles

«Le commerce de détail est le seul secteur qui affiche un niveau de productivité plus élevé qu'aux États-Unis, selon une étude de Deloitte. Pourtant, il ne fait jamais partie des énoncés politiques. Nous devrions avoir plus de considération, de reconnaissance et de respect de la part du gouvernement», martèle Léopold Turgeon, déçu qu'aucun représentant du Parti québécois n'ait accepté de prendre la parole au congrès.

Il explique ce «désintérêt» par le mythe des emplois au salaire minimum qui est bien ancré. Pourtant, note le PDG, seulement 14,5% des travailleurs touchent 10,35$ l'heure.

Le CQCD souhaite surtout que Québec aide les détaillants qui ont des problèmes de relève et qui doivent investir en technologie. «Dans sa politique industrielle, le gouvernement cherche des gazelles, mais cela exclut le secteur du détail», dénonce Léopold Turgeon, qui se dit très «déterminé et passionné» à faire changer les choses au cours des prochaines années. Pour y arriver, il veut organiser à Montréal en 2016 le plus gros congrès de commerce de détail de la francophonie et y inviter des Européens et des Africains. «Il est primordial d'avoir une vision globale.»

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BIENTÔT UN INSTITUT DES TECHNOLOGIES

Le CQCD travaille à la création d'un institut des technologies, dont l'objectif sera de «fournir des outils et de l'accompagnement aux détaillants». Son nom n'a pas encore été fixé. Son lancement pourrait se faire l'automne prochain au cours d'un événement consacré aux nouvelles technologies. Rappelant que 50% des détaillants québécois n'ont pas encore de site web, Léopold Turgeon, PDG du CQCD, trouve que les petites et moyennes entreprises ont besoin d'aide pour améliorer leur chaîne d'approvisionnement et leur stratégie multicanal. «Il est temps de passer à l'action.» L'association de détaillants veut regrouper autour d'une même table les géants des technologies comme Google et Apple, des institutions d'enseignement, des entreprises en démarrage locales et les instances de tous les ordres de gouvernement.