La soudaine baisse du dollar canadien face à son voisin américain pourrait retrancher des dizaines de millions de dollars de profits anticipés dans les prochains résultats de grands détaillants canadiens.

Et c'est dans le secteur de l'alimentation, où la concurrence des prix est la plus intense avec les aliments frais importés, que la faiblesse du dollar canadien risque de coûter le plus en marge bénéficiaire à court terme, selon l'analyste Jim Durran, spécialiste des détaillants chez la firme Barclays Capital, à Toronto.

Les raisons d'un tel risque?

Avec un dollar canadien en perte de valeur à l'international, tous les détaillants canadiens devront débourser davantage pour payer les produits importés dont ils garnissent leurs étalages. Ils tenteront ensuite de compenser ces surcoûts d'importation avec des hausses de prix en magasins.

Mais en alimentation, considérant l'intensité de la bagarre des prix et des parts de marché, l'analyste Jim Durran doute de la capacité des grands détaillants de transférer leurs surcoûts d'importation à court terme en hausses de prix en magasins.

Dans les supermarchés, selon lui, le quart environ des produits où la guerre des prix est virulente - fruits et légumes frais, viandes fraîches - provient de fournisseurs étrangers payables en dollars américains.

Selon des calculs qu'il a effectués avec diverses hypothèses de taux de change pour l'année et de transfert des surcoûts d'importation sur les prix en magasins, Jim Durran estime que les trois principaux détaillants en alimentation pourraient voir leurs profits amputés d'environ 340 millions de dollars si le dollar canadien se maintient autour des 90 cents US durant tout l'exercice financier 2014.

Cette estimation s'appuie sur un transfert sur les prix en magasins de 60% des surcoûts de la soudaine hausse du taux de change, alors que l'autre part de 40% serait absorbée par les entreprises afin de ne pas compromettre leur position concurrentielle.

Et si le dollar canadien glissait davantage vers les 87 cents US, les profits retranchés parmi les trois grands de l'alimentation pourraient dépasser le demi-milliard de dollars pour leur exercice 2014.

Chez le québécois Metro, lorsqu'interrogé à ce sujet lors de la récente assemblée des actionnaires, le président et chef de la direction, Éric La Flèche, a confirmé que la hausse du taux de change avait un effet direct sur les marges bénéficiaires des aliments importés des États-Unis.

«Dans les expériences passées, ces augmentations [du taux de change] ont eu tendance à se refléter dans le prix de détail. Mais ça dépend de combien de temps ça dure et de la fluctuation de la devise», a indiqué le président de Metro.

Par ailleurs, selon Jim Durran, d'autres détaillants canadiens d'importance risquent aussi de sacrifier des profits futurs face aux surcoûts d'importation engendrés par la hausse soudaine du taux de change.

Toutefois, cet impact négatif pourrait être atténué par le recours à des instruments financiers de couverture du taux de change. Ce recours est moins répandu dans l'alimentation, en raison des importantes fluctuations saisonnières des volumes d'importation.

Chez le groupe Canadian Tire, qui regroupe aussi Sports Experts et L'Équipeur, Jim Durran estime que l'impact des surcoûts du taux de change se situera entre 50 et 95 millions pour tout l'exercice, selon un dollar canadien à 90 ou à 87 cents US. Et ce, même si la majorité des articles en magasins sont des importations payables en dollars américains.

Situation semblable chez le détaillant à petits prix Dollarama, où la majorité des articles vendus en magasins provient de fournisseurs asiatiques - chinois surtout - qui sont aussi payés en dollars américains.

Malgré tout, estime l'analyste, Dollarama pourrait subir une réduction de profits de l'ordre de 15 à 30 millions pour son exercice 2014, selon le taux de change variant de 90 à 87 cents US.

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LA BAISSE DU DOLLAR COÛTEUSE POUR LES DÉTAILLANTS

Entreprise (enseignes) / Impact sur profit annuel d'un dollar à 0,90$US (1) / Impact sur profil annuel d'un dollar à 0,87$US (1)

> Loblaws (Provigo, Maxi) / -165 millions / -283 millions

> Empire (IGA, Sobeys) / -103 millions / -192 millions

> Metro (Metro, Super C) / -75 millions / -118 millions

> Canadian Tire (Sports Experts, L'Équipeur) / -51 millions / -95 millions

> Dollarama / -15 millions / -28 millions

> Tim Hortons / -7 millions / -13 millions

Note 1 : Calculé par l'analyste Jim Durran avec l'hypothèse de 60% des coûts du taux de change refilés en hausses de prix en magasins et de 40% devant être absorbés dans les résultats d'exploitation

Source : Barclays Capital