D'ici 10 ou 15 ans, le centre commercial couvert, le mail traditionnel, sera devenu un «anachronisme qui ne répond pas aux besoins du public, des détaillants et des villes». À moins qu'il ne réussisse à se réinventer complètement d'ici là. Ce n'est pas un gourou ni un géant du commerce en ligne qui le dit, mais un propriétaire américain de centres commerciaux qui remporte beaucoup de succès.

«[Si rien ne change] j'en suis venu à la conclusion que ce sera une aberration qui aura duré 60 ans», a déclaré Rick J. Caruso, fondateur et président de Caruso Affiliated, dans une conférence très courue hier au Retail's Big Show, qui se tient à New York. Il s'agit du plus important événement du monde dans l'industrie de la vente au détail, avec 29 000 participants venus de tous les continents.

Surprise, l'homme d'affaires, qui possède 2 des 15 centres commerciaux générant le plus de ventes au pied carré dans le monde, ne croit pas que c'est l'internet qui tuera son industrie. À son avis, l'être humain a beaucoup trop besoin de socialiser et de sentir qu'il fait partie d'une communauté pour rester chez lui et tout acheter sur le web.

L'histoire le prouve, a affirmé Rick J. Caruso, en montrant des photos du souk de Marrakech (vieux de 1000 ans), du marché de poissons Tsukiji à Tokyo (depuis le XVIe siècle) et des Champs-Élysées (depuis 1600). «Je ne crois pas que les vendeurs du souk sont perturbés par Amazon ou n'importe quel autre détaillant sur le web. Je gagerais que le souk sera encore là longtemps après Amazon.» Ce besoin est encore plus grand aujourd'hui, alors que 25% des Américains vivent seuls, comparativement à 10% dans les années 50, a-t-il fait valoir.

Ce que le web ne peut pas faire

Rick J. Caruso croit plutôt que la vie des centres commerciaux est menacée par leurs propres propriétaires et leurs locataires - les détaillants - s'ils ne font rien pour «répondre aux besoins fondamentaux des humains». À l'heure actuelle, la grande majorité des centres commerciaux ne «ressemblent pas à l'avenir», a-t-il déploré, pendant que des photos déprimantes de mails défraîchis défilaient.

«Tous les commerçants peuvent créer une expérience accueillante et miser sur l'hospitalité. Vous pouvez créer un feu de camp autour duquel les gens s'assoiront. Un site web ne peut pas faire ça!»

Dans ses centres les plus achalandés (non couverts), l'entrepreneur a reproduit l'ambiance des artères commerciales, installé des fontaines, aménagé des places publiques et misé sur l'architecture. On y trouve même un tramway. Les clients sont accueillis dans un lobby digne d'un hôtel cinq étoiles et aux toilettes, un employé distribue des serviettes pour les mains. «Nous ne créons pas des centres commerciaux pour que les gens magasinent, mais pour qu'ils aient du plaisir... Quand ils se sentent bien, ils font des achats et dépensent davantage.»

Résultat: The Grove, en Californie, accueille 18 millions de clients par année, soit plus que Disneyland et la Grande Muraille de Chine. Pas moins de 92% des visiteurs achètent quelque chose, et les ventes au pied carré y sont cinq fois plus élevées que la moyenne nationale.

Au Québec, les propriétaires du Quartier DIX30 misent eux aussi sur une ambiance chaleureuse pour séduire les clients. Cela est particulièrement vrai dans la plus récente phase, appelée Le Square, remplie de petites boutiques et de restaurants. Ce concept est unique dans la province.

Rick J. Caruso croit-il que les centres commerciaux de type «lifestyle» sont adaptés aux climats les plus arides? Tout à fait. «À New York, les commerces de Madison Avenue et de la 5e Avenue font d'excellentes affaires. Et ils sont situés dans des rues. À Chicago, à Paris, à Rome, les rues sont toujours les destinations de magasinage numéro un, malgré la météo.»

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LE RETAIL'S BIG SHOW

Le Retail's Big Show est l'événement annuel organisé par la National Retail Federation (NRF). Cette association de détaillants est la plus importante du monde, avec des membres dans 45 pays. L'événement de quatre jours se tient au Jacob K. Javits Convention Center. Seulement aux États-Unis, la NRF représente 3,6 millions d'entreprises employant 42 millions de personnes et réalisant des ventes annuelles de 2500 milliards de dollars américains.