On n'exagère pas en disant que la dernière année n'a pas été de tout repos dans le secteur de la vente au détail. Target a fait la plus importante entrée au Canada de tous les temps, avec 124 magasins, une vague de consolidation sans précédent s'est produite et les achats en ligne ont bondi. Tout cela a provoqué bien des maux de tête dans un marché marqué par un ralentissement généralisé de la consommation.

Sans surprise, l'arrivée de Target au Canada a été l'événement le plus marquant de l'année 2013. Le géant américain a ouvert, comme prévu, 124 magasins en 9 mois. Un investissement monstre qui n'est pas passé inaperçu. «C'est ce qui a le plus marqué l'imaginaire», juge le consultant Paul Lafortune, qui dirige un cours sur les tendances dans le commerce de détail à HEC Montréal.

Tout le secteur de la vente au détail s'y était préparé. À commencer par son principal rival, Walmart, qui a accéléré la conversion de ses magasins en Supercentres et amélioré son site web. Canadian Tire a accentué ses promotions, Simons a augmenté le salaire de ses employés de peur de les perdre, les centres commerciaux ont procédé à des rénovations parfois majeures.

Stratégie

A-t-on surestimé la menace? Peut-on dire qu'il y a eu plus de peur que de mal? «Je pensais que l'impact serait plus grand. La bonne chose, c'est que les détaillants ont eu entre 18 et 24 mois pour réfléchir à leur stratégie et ils en ont profité pour améliorer leur exécution. Ils étaient plus prêts que prévu», répond Daniel Baer, associé et leader national des services au secteur du commerce de détail d'EY.

«On a tous pensé que ce serait extraordinaire. Mais finalement, ils sont les premiers à admettre qu'ils n'atteignent pas leurs objectifs», ajoute Paul Lafortune.

En raison de ses prix jugés supérieurs à ceux de Walmart et plus élevés qu'aux États-Unis, Target a essuyé de nombreuses critiques. Les clients n'ont pas manqué, non plus, de remarquer les tablettes vides. Mais attention, Target ne restera pas les bras croisés, prévoient les acteurs de l'industrie. Le détaillant a tout ce qu'il faut pour redresser la barre, et il promet d'ailleurs de le faire avec beaucoup d'énergie en 2014.

Baisse généralisée dans les supermarchés

L'année n'a pas été de tout repos non plus dans le secteur de l'alimentation. Metro, Sobeys (IGA) et Loblaw ont tous connu des résultats mitigés. Plus l'année avançait, plus les ventes comparables de Metro se détérioraient. Après avoir été stables au deuxième trimestre, elles ont diminué au troisième (- 0,9%) et encore davantage au quatrième (- 1,8%). Même scénario du côté du groupe Loblaw: les ventes comparables sont passées de " 2,8% en début d'année à " 0,4% à l'automne. Chez Sobeys, les résultats ont oscillé entre - 0,1% et " 1,2%.

Les consommateurs n'ont pas davantage dépensé chez Walmart, qui mise de plus en plus sur l'alimentation pour les attirer. Ses trois trimestres ont été dans le négatif (- 1,3%, - 0,4% et - 1,3%). «Il y a eu une déflation des prix à cause de la concurrence. Une guerre de prix en Ontario», résume Daniel Baer.

À peu près tous les types de commerces ont traversé une année difficile, souligne l'expert. Il n'y a pas eu plusieurs mois consécutifs de croissance. «Quand on pensait que ça allait mieux, ça redescendait.» Léopold Turgeon, du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), parle lui aussi d'une année «en dents de scie». Une situation difficile pour les détaillants qui doivent prévoir la demande pour planifier leurs achats.

Facteurs

L'augmentation des loyers, la concurrence accrue de grandes enseignes américaines, la déflation dans certains secteurs, la baisse de valeur du dollar et la popularité croissante des achats en ligne ont aussi fait partie des difficultés. Au CQCD, on ne trouve cependant pas que la situation est alarmante.

«On a les chiffres jusqu'en octobre et la hausse des ventes a été de 1%. C'est la même chose que l'an dernier. Malgré qu'on entende toujours: "Ça va mal, ça va mal, ça va mal», ça ne va pas si mal», observe Léopold Turgeon, qui précise que les ventes dans le secteur du vêtement et dans les pharmacies ont bondi de 10%. Les dépanneurs et les quincailleries, en revanche, accusent un recul de 5 ou 6%.

Rabais

Les experts notent aussi que 2013 a été l'année des rabais. Les consommateurs ne veulent plus acheter à prix ordinaire, ils recherchent «de la valeur en tout temps», résume Daniel Baer. Les effets de la crise économique ne cessent de se faire sentir. Mais c'est aussi l'effet de la «neutralité de la croissance de notre pouvoir d'achat», croit Paul Lafortune. «On ne s'enrichit pas, les salaires n'augmentent pas. L'endettement nous rattrape.»

Changements de chaise

Rona

Après le départ de Robert Dutton à l'automne 2013, Robert Sawyer a quitté son poste chez Metro pour prendre la destinée de Rona en main. Il a convaincu son collègue Alain Brisebois de le suivre, a «allégé la structure», nommé sept autres vice-présidents et en a réaffecté deux. Quelques mois auparavant, le président du conseil de Quincaillerie Richelieu, Robert Chevrier, s'était joint au conseil de Rona à titre de président exécutif du conseil, en remplacement de Robert Paré.

HBC

La présidente des magasins La Baie d'Hudson et Lord&Taylor, Bonnie Brooks, a été nommée vice-présidente du conseil pendant l'été. Son poste sera pourvu en janvier par Liz Rodbell. Quant au viceprésident à l'exploitation, Donald Watros, il accédera au poste de président de HBC le 1er février.

Lululemon

Après une année marquée par le feuilleton des pantalons transparents, des propos controversés sur les rondes et le départ de sa présidente Christine Day, Lululemon a annoncé deux nominations, au début du mois de décembre. Le Français Laurent Potdevin devient président tandis que le fondateur Chip Wilson a abandonné la présidence du conseil. Il sera remplacé par Michael Casey.

Dollarama

Stéphane Gonthier a quitté le Québec pour la Californie. Le chef de l'exploitation, que plusieurs voyaient comme le successeur naturel du fondateur et président Larry Rossy, a accepté le poste de président, chef de l'exploitation et membre du conseil d'administration de 99¢ Only Stores. Dollarama ne l'a pas encore remplacé.

Empire

Environ un an après avoir été promu président de Sobeys, le Québécois Marc Poulin a encore pris du galon. Il a été nommé président et chef de la direction d'Empire, la société qui exploite les supermarchés IGA et Sobeys. Il succède à Paul Sobeys, qui prend sa retraite.

Tim Hortons

Marc Caira, qui a travaillé pour Parmalat et Nestlé, est à la tête de Tim Hortons depuis le mois de mai. Il remplace Paul House, maintenant président du conseil.

Sears

Calvin McDonald a quitté Sears pour diriger la destinée en Amérique du détaillant français de produits de beauté Sephora (propriété de LVMH). Il a été remplacé par Douglas Campbell, jusque-là responsable de l'exploitation de Sears Canada.

Les nouveaux venus...

Concepts canadiens

> Après avoir ouvert des boutiques dans les grandes villes canadiennes et américaines, le détaillant de Vancouver Aritzia s'est finalement posé au Québec (Centre Eaton, Carrefour Laval et Fairview Pointe Claire). Ses collections de vêtements sont particulièrement populaires auprès des jeunes femmes.

> Holt Renfrew a inauguré son nouveau concept appelé HR2, au Quartier DIX30 de Brossard. On y vend de grandes marques à prix d'aubaine, tant pour les hommes que pour les femmes.

> Le premier IGA express a ouvert ses portes à Saint-Augustin-de-Desmaures. Le concept de 4000 pieds carrés mise sur le prêt à manger et les produits frais. Jumelé à un poste à essence Shell, il est ouvert 24 heures sur 24. Son propriétaire, Sobeys, investira 100 millions d'ici cinq ans pour déployer ce concept au Québec.

> Canadian Tire a ouvert son premier magasin de petite taille en milieu urbain. Ce Canadian Tire Express de 6100 pieds carrés est situé sur l'avenue Danforth, à Toronto, qui fait penser à l'avenue du Mont-Royal. Aucune ouverture au Québec n'a été annoncée pour le moment.

Concepts étrangers

> L'espagnole Zara Home, qui propose des articles pour la maison, a fait son entrée dans la province en s'installant au Carrefour Laval.

> Bebe et Peak Performance ont tous deux ouvert leur premier point de vente en sol québécois au DIX30. Tandis que la marque espagnole Desigual a choisi les Cours Mont-Royal, au centre-ville de Montréal.

> L'enseigne américaine Marshalls, qui appartient à la même entreprise que Winners et Home Sense (TJX), a inauguré deux points de vente au DIX30 à Brossard et au Fauboug Boisbriand.

> Les premiers magasins Pottery Barn et Pottery Barn Kids du Québec, qui font partie de la famille Williams-Sonoma, se sont installés au Quartier DIX30. Le petit frère West Elm s'est posé dans Griffintown.

... et les disparus

> C'est le début de la fin pour Loblaws au Québec. L'enseigne, arrivée dans la province en 1998, disparaîtra d'ici quelques années. Les magasins seront rebaptisés Provigo le marché. Le concept s'inspire visuellement du Loblaws dans l'ancien aréna Maple Leaf Garden, à Toronto.

> La Capsule sportive n'est plus. Le détaillant d'articles de sport a tenté une restructuration, mais a fini par se résoudre à la faillite, en mai.

> Le 4 février, la Banque du Canada a annoncé le retrait de la «cenne noire». Depuis, lorsque la transaction est payée en espèces, le prix est arrondi. Ottawa estimait que la mise en circulation de ces pièces lui coûtait 11 millions de dollars par année.

> Holt Renfrew, situé rue Sherbrooke, a annoncé qu'il fermerait ses portes en 2017. Ses collections seront vendues dans un nouveau concept de magasin qui s'installera dans les locaux agrandis de l'actuel magasin Ogilvy, rue Sainte-Catherine Ouest.

Une année de consolidation

> 12,6 milliards

L'acquisition la plus coûteuse de l'histoire dans le secteur du détail (et la septième, tous secteurs confondus) est survenue au milieu de l'été. En juillet, Loblaw a mis la main sur Shoppers Drug Mart (Pharmaprix), ce qui lui permet notamment d'avoir accès à des locaux dans les centres-villes.

> 6 milliards

La chaîne américaine de magasins de luxe Neiman Marcus a été acquise par l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et Ares Management (de Los Angeles).

> 5,8 milliards

Sobeys a damé le pion à Metro en se portant acquéreur, en juin, des supermarchés Safeway (213 épiceries dans l'Ouest canadien, 199 pharmacies, 62 postes d'essence et 29 000 employés).

> 2,9 milliards

La Compagnie de la Baie d'Hudson (HBC), déjà propriétaire de la chaîne américaine Lord&Taylor, a ajouté une autre enseigne dans son portefeuille avec l'achat de Saks Fifth Avenue. Le détaillant a promis d'amener le concept dans les grandes villes canadiennes.

> Quincailleries

La Coop fédérée, qui exploite l'enseigne Unimat, a pris une participation minoritaire dans le groupe BMR (180 quincailleries et centres de rénovation indépendants). Le pourcentage de participation n'a pas été divulgué ni le montant de la transaction. De son côté, Rona a acquis la totalité des actions qu'il ne détenait pas déjà de Matériaux Coupal, une enseigne qui s'adresse aux entrepreneurs.

> Meubles

Maison Corbeil a cédé une partie de son capital-actions à la Corporation financière Champlain, un fonds d'investissement privé qui en a profité pour créer une nouvelle entité, G2MC, dont fait aussi partie la Galerie du Meuble, de Québec. Rappelons que Meubles Poplaw a fermé rue Saint-Hubert tandis que Fraser cessera bientôt ses activités, après 133 ans.

> Loyauté

On accumule des Air Miles chez IGA, des points m chez Metro. Seul le groupe Loblaw n'avait pas de programme de fidélisation, jusqu'à ce qu'il lance, en novembre, PC Plus.

> En ligne...

Amazon.ca ne cesser d'ajouter des catégories de produits à son offre. En 2013, le site du géant américain a commencé à vendre des pièces d'auto, de la nourriture (non réfrigérée), des jouets, des produits de beauté et des articles pour la maison.