Les Québécois ont l'habitude d'acheter des tonnes de produits chinois de toutes sortes. On ne peut pas dire que l'inverse soit vrai. Mais deux entrepreneurs veulent faire bouger les choses avec leur nouveau site Quebecmall.asia, qui vend des produits québécois sur le territoire de Hong Kong.

Après avoir travaillé pour Hydro-Québec et Rona à titre de porte-parole, Stéphane Prud'homme est parti en Chine pour faire un MBA. C'était à l'été 2008. Il n'est jamais revenu. Il a appris le mandarin et s'est mis à aider les entreprises canadiennes présentes en Asie à gérer leurs communications numériques. Sur sa page LinkedIn, il se présente comme un «eCommerce Evangelist».

Ce parcours atypique l'a amené à créer, avec son partenaire Antoine Valin, une entreprise tout aussi singulière: un centre commercial en ligne qui ne vend que des produits québécois à des Chinois. Le site, lancé au début de novembre, propose à la fois du shampoing Bleu Lavande, de la liqueur d'érable du Domaine Kildare (à Oka), des canneberges séchées, du vin de glace de l'Orpailleur et... des oeuvres d'art!

«On veut éduquer les Chinois à consommer nos produits. Quand on leur dit que l'eau d'érable vient d'un arbre, ils ne comprennent pas. Il faut leur raconter des histoires», mentionne Stéphane Prud'homme, précisant que le projet a coûté 200 000$. Jusqu'ici, les ventes «dépassent les attentes», la clientèle est jeune (dans la trentaine) et surtout féminine car «les Chinoises aiment beaucoup l'alcool sucré».

Risque partagé avec les fournisseurs

Pour le moment, une vingtaine de fournisseurs ont été recrutés. Quebec Mall leur a demandé 1500$ et leur a acheté pour 1000$ de produits. Cette formule a l'avantage de partager le risque. «On leur offre un service clés en main. On s'occupe de l'exportation, des douanes, des ventes en ligne, de la livraison», explique l'entrepreneur de 43 ans, qui a étudié la psychologie, les communications et le Moyen Âge.

L'idée n'a quand même pas été facile à vendre aux PME, qui se sont parfois montrées méfiantes. D'autres se demandaient si elles pourraient suffire à la demande. «On en a rencontré des dizaines et des dizaines. Plusieurs nous ont dit "on va attendre de voir le site", raconte Stéphane Prud'homme. Aujourd'hui, je reçois deux ou trois offres par semaine.»

«Le défi pour une entreprise qui veut exporter en Chine, c'est que ça implique des investissements majeurs. Peu de PME en sont capables, surtout qu'elles ne connaissent pas le marché. Quebec Mall leur permet de commencer petit et de croître tranquillement», plaide Antoine Valin. Le jeune homme de 26 ans possède à Montréal sa propre entreprise d'importation et d'exportation, Momentum Sourcing, depuis plus de deux ans. Il l'a fondée à la suite d'un séjour de six mois en Chine pendant lequel il a travaillé pour des entreprises qui exportaient en Amérique.

Expansion dans le reste de l'Asie

C'est donc lui qui se charge des achats et de l'expédition vers Hong Kong. Pendant ce temps, Stéphane Prud'homme fait la promotion de son site sur les médias sociaux et auprès des entreprises (hôtels, restaurants, spas). Il se prépare aussi à lancer une version du site en cantonais, même si cela n'est pas exigé, «juste pour montrer aux clients qu'on prend soin d'eux».

Au fil des ans, le duo prévoit offrir ses produits à Singapour, au Vietnam, en Indonésie et en Chine continentale. Cette expansion pourrait lui permettre de vivre de son site. D'ici trois ans, il prévoit réaliser un chiffre d'affaires de 1 million de dollars canadiens.

Les entrepreneurs, qui ambitionnent «de faire croître les PME du Québec» et de faire connaître sa culture (d'où la vente de toiles d'artistes), n'ont obtenu aucun soutien public. Ce n'est pas faute d'avoir cogné à plusieurs portes: ministère de l'Agriculture, ministère du Tourisme, ministère de la Culture, Export Québec et Exportation et développement Canada (EDC). «On a tellement un beau projet bénéfique pour le Québec qu'on se demande pourquoi on est les seuls à porter tout ça sur nos épaules», souligne Antoine Valin.

Quelques chiffres

> Valeur des exportations de produits québécois vers la Chine: 2,6 milliards de dollars

> Ce que nous exportons le plus: minerais de fer et leurs concentrés  

> Valeur des importations de produits chinois au Québec: 8,6 milliards de dollars

> Ce que nous importons le plus: machines automatiques de traitement de l'information

Source: Institut de la statistique du Québec