Dans le coin rouge, le géant américain Michaels Stores, qui exploite 1259 magasins et réalise des ventes de 4,4 milliards dans deux pays. Dans le coin bleu, DeSerres, une entreprise familiale québécoise de 105 ans qui compte 34 magasins dans 5 provinces. Les deux s'affrontent depuis un an au Québec. Comment ça se passe dans le ring?

«Un an plus tard, on sait que Michaels est là. On l'a senti, mais si on compare l'impact au Québec avec celui vécu dans le reste du Canada, il est bien moindre au Québec», répond Marc DeSerres, président de la chaîne de magasins du même nom.

Habitué depuis plusieurs années à être en compétition avec Michaels dans les provinces anglophones, il craignait tout de même «les pieds carrés supplémentaires» qu'amènerait au Québec le détaillant texan. L'accroissement de la concurrence, qui survient au moment même où l'on assiste à une réduction généralisée des dépenses de consommation, force DeSerres à multiplier les promotions. «Ç'a un impact sur les marges, concède Marc DeSerres. Mais il faut conserver nos parts de marché.»

DeSerres s'est aussi doté d'une carte de fidélisation «qui permet de faire des offres ciblées aux clients».

Pas de guerre de prix

Michaels affirme pour sa part ne pas avoir lancé une guerre de prix au Québec. «Nos prix sont justes, ni au-dessus ni en dessous de ceux de DeSerres», a indiqué à La Presse Affaires Paula Puleo, vice-présidente principale et chef du marketing de Michaels Stores, en marge de la récente Journée Infopresse consacrée à la vente au détail.

D'ailleurs, Michaels ne veut surtout pas suivre l'exemple de Walmart. Le détaillant craint d'être perçu comme «la grosse compagnie américaine qui débarque» et affirme que son but est «de s'intégrer doucement au Québec».

«Nous sommes au Québec pour faire croître le marché, pas pour le diviser», rappelle Paula Puleo, sans être en mesure de chiffrer le marché, ni son potentiel de croissance. Cet objectif est-il réalisable? Marc DeSerres ne croit pas qu'il soit possible de vendre davantage de matériel de beaux-arts. Mais pour le reste... Quant à la taille du marché, elle est effectivement difficile à établir, note l'homme d'affaires. «Les Crayola chez Jean Coutu, est-ce que c'est du matériel d'artiste?»

À coups de millions

Malgré sa volonté d'entrer doucement dans le territoire qui a vu naître DeSerres il y a plus de 100 ans, Michaels demeure quand même une entreprise à but lucratif. D'ailleurs, elle ambitionne de «devenir le chef de file dans le domaine des loisirs créatifs». Chaque nouveau magasin (superficie moyenne de 19 000 pieds carrés) représente un investissement moyen de 1,2 million US, selon son rapport annuel. Depuis 15 mois, le détaillant américain aurait donc déboursé 13 millions pour établir ses 11 points de vente dans la province. L'entreprise n'a pas précisé ses plans d'expansion.

Le nouveau concept de magasin DeSerres, plus petit (entre 8000 et 9000 pieds carrés plutôt que 15 000), coûte lui aussi 1,2 million. Depuis deux ans, neuf nouveaux magasins ont vu le jour, dont cinq au Québec (Vaudreuil, Lachenaie, Québec, Drummondville et Boucherville). Leur propriétaire affirme que cette expansion «n'a rien à voir» avec l'arrivée de Michaels.

DeSerres veut continuer à ouvrir des magasins, même s'il ne reste «plus grand place au Québec». Les marchés de Vancouver, Toronto et Ottawa sont dans la ligne de mire du dirigeant, qui attend le mois de janvier pour réfléchir plus sérieusement à sa stratégie d'expansion. D'ici deux ou trois ans, il prévoit exploiter 40 points de vente au Canada.

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Une entrée bien préparée

Michaels n'a pas tenu pour acquis que son entrée au Québec serait facile. Ainsi, quelques précautions ont été prises, dont celle d'embaucher une firme montréalaise. Objectifs: comprendre la culture de sa nouvelle terre d'accueil, les goûts des consommateurs et le marché «dominé par un acteur local solide». Le contrat a été confié à Casacom.

Des rencontres avec les ministères de la Culture et de l'Industrie ont été organisées pour «raconter l'histoire de Michaels». Des Québécois ont été amenés dans un magasin en Ontario pour recueillir des commentaires.

Résultat, «au Québec, nous vendons moins de fleurs, moins de produits reliés au mariage, mais plus d'articles pour décorer les gâteaux. De plus, nos magasins sont plus aérés et mieux rangés», a détaillé Paula Puleo, vice-présidente principale et chef du marketing de Michaels, avant d'admettre que tout n'était pas encore parfait.

Michaels avait aussi besoin de conseils stratégiques au sujet de la langue française. «Ils étaient très ouverts d'esprit. Ils considéraient le Québec comme un pays», raconte Marie-Josée Gagnon, présidente et fondatrice de Casacom. L'Office québécois de la langue française a été rencontré, et la phrase «Tout pour vos projets créatifs» a été installée sur les façades des magasins.

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DESERRES EN BREF

Fondation: 1908

34 magasins au Canada, soit

> 21 au Québec

> 8 en Ontario

> 1 en Alberta

> 3 en Colombie-Britannique

> 1 en Nouvelle-Écosse

Ventes: n/d

Produits: 40 000

Taille moyenne: nouveau concept: entre 8000 et 9000 pi2.

Ancien concept: 15 000 pi2

Employés: 700

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MICHAELS STORES EN BREF

Fondation: 1983

2 enseignes: Michaels (1137 magasins) et Aaron Brothers (122 magasins)

Ventes: 4,4 milliards US (dont 10% au Canada)

Taille moyenne: 19 000 pi2 pour Michaels et 5600 pi2 pour Aaron Brothers

Produits: 36 000

Employés: 48 900, dont 38 100 à temps partiel

* Données en date du 11 mars 2013, sauf le nombre de magasins (en date du 10 décembre).

Résultats du 3e trimestre



Ventes comparables*: +7,9%

Bénéfice net: 58 millions US (+65,7%)

* Magasins ouverts depuis plus d'un an