Celui qui a fait de Starbucks (SBUX) la multinationale qu'on connaît aujourd'hui, Howard Schultz, était de passage à Montréal hier pour célébrer «une année record au Canada». La Presse Affaires en a profité pour le rencontrer dans son café de l'avenue du Parc. Le New-Yorkais de 60 ans, qui a acquis la marque de commerce et ses six cafés en 1987, vaut aujourd'hui 2 milliards.

Q Avant Starbucks, on s'achetait des cafés à 1$. Quel est le secret pour réussir à vendre quelque chose cinq fois plus cher que le prix habituel?

R Mon café n'est pas cinq fois plus cher! Regardez ce téléphone [Il sort son iPhone]. Ça n'existait pas il y a cinq ans. Il coûte beaucoup plus cher que le téléphone à roulette d'antan. Ceci étant dit, la réponse est la qualité de ce qui se trouve dans la tasse, l'expérience que nous créons dans les magasins, le service que nous offrons. Tout cela a créé notre réputation et un fort niveau de confiance envers la marque Starbucks. Et il y a ce sentiment communautaire: regardez tous ces étudiants qui apprécient notre café et le temps qu'ils passent ici. Nous vendons beaucoup plus que des tasses de café.

Q Vous aimez faire croître votre entreprise. Y a-t-il un endroit sur Terre qui vous fasse peur?

R Je n'ai pas peur, mais je suis très humble face à l'idée d'amener Starbucks en Italie. C'est un pays où on ira un jour, mais jusqu'ici, j'ai résisté. Une bonne partie de ce que j'ai créé a été le fruit d'un voyage que j'ai fait en Italie en 1983.

Q Maintenant qu'il y a du café de qualité partout et que même McDonald's vend de l'expresso, comment Starbucks arrive-t-elle à se différencier?

R Les résultats de nos deux dernières années ont battu des records, tant dans les ventes que dans les profits et le cours de l'action. La semaine dernière, nous avons servi plus de clients qu'à tout autre moment de notre histoire. Clairement, les consommateurs votent pour Starbucks. La différence n'est pas dans le marketing, elle est dans la tasse, dans nos approvisionnements, notre torréfaction et la formation de nos employés.

Q Tous vos cafés affichent un design différent. Pourquoi avez-vous choisi de ne pas faire comme McDonald's et IKEA dont les points de vente sont presque identiques partout dans le monde?

R Le café est un breuvage très personnel, une expérience personnelle. C'est important pour Starbucks d'être très respectueux et pertinent dans les quartiers où on ouvre des magasins. Nous faisons le design avec nos propres architectes pour qu'il y ait ce respect et cette compatibilité avec le voisinage. C'est une fierté pour nous. C'est beaucoup plus difficile à faire et ça coûte plus cher.

Q Il y a plus de 1000 Starbucks dans les magasins Target. Les familles y vont pour économiser de l'argent tandis que vous voulez leur vendre du café haut de gamme. N'est-ce pas un mariage étrange, voire risqué?

R Nos études nous ont démontré que Starbucks peut rehausser l'expérience de magasinage chez Target, que nous pouvons être un générateur d'un nouvel achalandage, et que nos clients en tirent des bénéfices. Target a très bonne réputation, nos positionnements sont différents, mais les deux marques sont compatibles.

Q Penélope Cruz et George Clooney vantent le café Nespresso. Beyoncé a fait une publicité pour Pepsi. Pourquoi n'engagez-vous pas des vedettes à titre d'ambassadeurs?

R Je ne crois pas à cela. Nous ne sommes pas une marque propulsée par des célébrités. Nous croyons en l'authenticité du café et de ce que nous faisons. J'y crois, mais pour les autres.

Q Il y a une controverse ces jours-ci en Chine où on vous accuse de vendre votre café 30% plus cher qu'aux États-Unis. Qu'allez-vous faire à ce sujet?

R La transparence et la vérité sont importantes pour nous. Hier [avant-hier], nous avons accordé une entrevue dans laquelle nous avons parlé honnêtement de nos coûts d'exploitation en Chine, qui nous donnent des raisons d'y vendre notre café un certain prix. Notre profitabilité y est similaire à celle ailleurs dans le monde. Nous sommes en Chine depuis plus de 15 ans. Nous y avons de bonnes relations avec le gouvernement et nous croyons respecter les lois locales. Ce n'est pas vrai que nos marges y sont deux fois plus élevées qu'aux États-Unis.

Q Vous faites probablement plus d'argent en un jour que votre père en un an... Ayant été élevé dans une famille pauvre, comment gérez-vous votre statut de milliardaire?

R La qualité la plus impor- tante chez une personne est l'humilité. Il ne faut pas se définir en fonction de la quantité d'argent que nous possédons ou des choses que nos possédons. Mais plutôt en fonction de nos valeurs. C'est comme ça que j'essaie de vivre ma vie.