Une cinquantaine d'anciens employés des magasins Zellers ont porté plainte à la Commission des normes du travail (CNT) contre la chaîne américaine Target, qui refuse de les embaucher en prévision de l'ouverture, dans les prochaines semaines, de ses premiers points de vente en sol québécois.

Selon les plaignants, lorsque Target a acheté 30 succursales Zellers au Québec en 2011, les employés auraient dû conserver leurs postes dans les nouveaux magasins. La CNT analysera les 47 plaintes déposées pour tenter de voir s'ils ont raison. «Notre enquête visera à déterminer s'il y a continuité de l'entreprise, explique le porte-parole de la commission, Jean-François Pelchat. Si c'est le cas et que le salarié avait plus de deux ans de service continu, il pourrait demander de réintégrer un emploi chez Target.»

La direction du détaillant américain soutient qu'elle n'a pas acheté Zellers, mais seulement les emplacements des magasins et les baux. «C'est une transaction strictement immobilière», explique Sébastien Bouchard, directeur des relations publiques pour Target Canada.

L'entreprise collabore à l'enquête de la CNT en lui fournissant les documents requis, mais maintient qu'elle n'a jamais eu de lien d'emploi avec les salariés de Zellers, licenciés au cours des derniers mois lorsque le propriétaire de la chaîne, HBC, a mis la clé sous la porte. «Tous les employés ont reçu une lettre de la société HBC leur annonçant la fermeture de leur magasin», ajoute M. Bouchard.

Un transfert d'entreprise?

Même s'ils ont été licenciés par leur ancien employeur, Target doit les reprendre puisqu'il s'agit d'un transfert d'entreprise, soutient Roxanne Larouche, porte-parole du syndicat des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC). Le personnel de Zellers n'était pas syndiqué, mais le syndicat apporte son aide à ceux qui se plaignent des façons de faire du géant américain.

Plusieurs travailleurs ont trouvé un emploi ailleurs, mais certains sont au chômage depuis plusieurs mois. S'ils n'ont pas porté plainte avant, c'est qu'ils étaient convaincus d'être réembauchés par Target. «Jusqu'à la dernière minute, on leur disait de ne pas faire de vagues, de ne pas se plaindre, qu'ils avaient des chances de retrouver un emploi», dit Mme Larouche.

Target avait garanti aux anciens de Zellers qu'ils seraient rencontrés en entrevue, sans leur promettre de poste dans les 25 magasins dont l'ouverture est prévue pour l'automne. Lorsque les premiers postulants ont essuyé un refus, ils ont estimé que c'était l'équivalent d'un congédiement, ce qui leur permettait de déposer une plainte à la CNT.

«Des centaines d'anciens employés de Zellers ont été embauchés par Target, mais ils ne pourraient pas tous s'adapter à la culture de l'entreprise», explique Sébastien Bouchard. Il souligne notamment que Target demande à ses vendeurs de pouvoir travailler dans différentes sections, de s'occuper de la caisse à l'occasion et d'aller vers les clients pour leur offrir de l'aide, ce qui n'était pas le cas chez Zellers.

Mais selon Roxanne Larouche, le salaire horaire offert par Target aux anciens travailleurs de Zellers est 2,50$ à 3,00$ inférieur à ce qu'il était auparavant. «En plus, ils retombent à zéro quant à l'ancienneté et se font parfois offrir moins d'heures de travail, remarque-t-elle. On parle ici de travailleurs à bas salaire, ce sont des entourloupettes de Target pour économiser.»

En Colombie-Britannique, un tribunal a rejeté la requête d'employés syndiqués d'un magasin Zellers pour obliger Target à les maintenir en poste. La Commission des relations de travail de la province a statué, en novembre dernier, qu'il n'y avait pas de continuité entre les deux entreprises. Mais d'autres cas, dans la jurisprudence québécoise, pourraient légitimer les plaintes des employés.

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Target en chiffres

> Nombre de magasins cédés par Zellers à Target au Canada: 220

> Nombre d'emplois perdus lors des fermetures: 5000

> Magasins aux États-Unis: 1788

> Au Canada (ouverts): 68

> Au Canada (à venir): 56

> Au Québec (à venir): 25

> Employés embauchés jusqu'à présent au Québec: près de 4000

> Au Canada: près de 15 000

> Prix payé pour acheter les emplacements des Zellers: 1,8 milliard