Ça bouge dans les centres commerciaux de la grande région de Montréal. On creuse, on monte des murs, on fait de la peinture, on pose de la céramique.

La Presse Affaires a répertorié 26 centres qui subissent - ou s'apprêtent à subir - des travaux d'au moins 2 millions de dollars dans la prochaine année, pour un total frôlant le milliard.

Tandis que certains centres défraîchis ont droit à une cure de rajeunissement, d'autres sont agrandis pour accueillir de nouveaux commerces. Et quelques nouvelles destinations de magasinage, des mégacentres ou des centres linéaires, sortiront de terre. C'est sans compter le projet d'outlet mall à Mirabel, type de centre commercial encore inédit au Québec, qui regroupera, selon nos sources, de grands noms américains et européens tels que Coach, Michael Kors, Puma et Calvin Klein.

«Après plusieurs années plus lentes [les années 2000 ont été plus tranquilles que les années 90], les investissements dans les centres commerciaux sont en hausse à la suite du ralentissement économique de 2008-2009, analyse Joël Paquin, président de Paquin Recherche et associés, consultant en commerce de détail. Il s'agit d'un rattrapage qui embrasse l'accroissement des projets de développement des grandes chaînes, et qui profite de l'arrivée de nouvelles chaînes.»

La venue au Québec du géant américain Target, qui inaugurera ses premiers magasins à l'automne, n'est pas étrangère à la volonté des propriétaires immobiliers de sortir les grues et les marteaux. Comme l'a révélé La Presse Affaires récemment, les trois centres commerciaux de Cominar qui accueilleront le détaillant au logo rouge (Centre Laval, Place Alexis-Nihon, Place Longueuil) ont droit à une métamorphose majeure.

Coût des travaux: 100 millions de dollars.

«Le défi à l'heure actuelle est de calmer les locataires qui se demandent si Target sera un générateur d'achalandage ou un adversaire qui grugera leurs parts de marché. De plus, il faut maintenir la fréquentation dans les allées en construction. C'est certain que les travaux ont un impact sur les ventes des magasins qui sont dans la poussière.

Les propriétaires doivent faire des efforts dans leurs relations avec les locataires», raconte Danielle Lavoie, directrice d'ICSC Québec (International Council of Shopping Centers) et vice-présidente, gestion immobilière, chez Strathallen.

Pas seulement pour Target

Mais Target n'est pas la seule motivation. «Les propriétaires n'ont pas le choix d'investir, ajoute l'experte en immobilier commercial. Si le centre est vieux, il n'attire pas les locataires de qualité que les consommateurs aiment.»

En ajoutant des milliers de pieds carrés, les propriétaires veulent aussi répondre à la demande dans les quartiers où la démographie explose.

C'est le cas à Blainville, où SmartCentres construira un tout nouveau mégacentre le long de l'autoroute 15. De 2006 à 2011, la population de cette ville a bondi de 15,1%, selon Statistique Canada. C'est presque trois fois plus que la moyenne nationale (+5,9%). D'ailleurs, c'est tout juste de l'autre côté de l'autoroute, à Mirabel, que l'outlet mall de Simon, Calloway et SmartCentres sera érigé pour former un vaste complexe baptisé Sortie 28.

À Châteauguay, l'entreprise Westcliff espère pour sa part profiter du flot de circulation amené par le nouveau tronçon de la 30. Sa nouvelle destination de magasinage est l'un des plus importants projets en cours (90 commerces, investissement de 100 millions).

Le propriétaire promet un «endroit unique où se donner rendez-vous, courir les boutiques et savourer un bon repas». Il décrit son projet - à la fois un mégacentre et un lifestyle center - comme un «nouveau centre-ville [qui] accueillera fièrement la communauté grâce à sa dynamique «rue principale» ».

Pour l'instant, seul Walmart y a ouvert ses portes. Mais une soixantaine de commerces répartis dans une quinzaine de bâtiments seront construits cette année et le centre doit être terminé au printemps 2014.

Toujours sur la Rive-Sud, le Square du Quartier DIX30 n'est pas terminé. Cette partie se veut plus conviviale que les premières phrases. Exit les rangées interminables de voitures devant les commerces, le Square est construit sur un vaste stationnement intérieur muni d'ascenseurs menant directement dans les magasins.

Au cours des prochains mois, Forever 21, Sephora et Lululemon y ouvriront leurs portes. Le propriétaire des lieux, Carbonleo, compte ensuite construire quatre magasins près du centre d'entraînement du Canadien.

D'ici là, le premier Marshalls du Québec sera fin prêt. Ce qui reste à faire devrait coûter 200 millions.

Des mégacentres

En regardant de près la liste des projets en cours, on constate qu'il se construit presque exclusivement des mégacentres. C'est parce que les moyennes et grandes surfaces (comme Michaels, Walmart, Costco) ont besoin de place, explique Joël Paquin. Et que les centres commerciaux dits traditionnels sont pleins à craquer.

En outre, ces derniers préfèrent miser sur la mode pour répondre à la demande des consommateurs, fait remarquer Luc Lavigne, directeur, services clients, chez Oberfeld Snowcap. «Le consommateur veut aller à la SAQ, chez Costco et chez IGA près de chez lui. Mais pour acheter des vêtements, il est prêt à aller plus loin. Donc, la mode se polarise. Les gens vont là où il y a beaucoup de choix, où il y a de la nouveauté, où ils se sentent bien et où c'est tendance.»

Les jeunes préfèrent les mails

Ils font du lèche-vitrine sur le web, s'envoient des textos, passent des heures à regarder des photos sur Pinterest... mais ils continuent d'affluer dans les centres commerciaux, un concept qui date pourtant d'avant leur naissance.

Au Canada, les 15 à 24 ans se rendent en moyenne 4,8 fois par mois au centre commercial. Ils y laissent mensuellement 300$. Les statistiques sont à peu près similaires en ce qui concerne les 25 à 34 ans, indique un document de l'ICSC obtenu par La Presse Affaires.

Mais à l'ère du web, les centres commerciaux et les détaillants doivent en offrir plus que jamais aux consommateurs pour les convaincre de se déplacer.

«La génération Y a grandi avec des ordinateurs et elle est habituée à être stimulée par la musique, la lumière, la couleur et l'action», a dit le président de l'Urban Land Institute (ULI), Patrick L. Phillips, en commentant une étude sur les habitudes de consommation des jeunes qu'il a dévoilée il y a quelques jours. Voilà pourquoi les détaillants doivent renouveler constamment leur look, leurs services et leur offre de marchandises pour suivre les tendances.

«Les centres commerciaux demeurent très populaires, mais leur défi est de demeurer attirants pour les consommateurs volages, écrivent les auteurs de l'étude. Pour maintenir leur achalandage, les propriétaires de centres commerciaux devraient rafraîchir les intérieurs souvent, encourager les rencontres sociales, intégrer des salles de cinéma et rénover celles qui sont obsolètes, ajouter des boutiques de produits alimentaires spécialisés et des épiceries, servir de point de rendez-vous pour les marchandises commandées en ligne et encourager les pop-up stores.»