C'est en 2005, en plein boom de l'industrie de la construction et de la rénovation à l'échelle continentale que Lowe's (LOW), le géant américain de la quincaillerie, décide de faire une percée au Canada en annonçant l'ouverture de 100 magasins grande surface en 10 ans.

Dans la foulée de l'annonce de cette nouvelle expansion, le nouveau PDG de Lowe's, Robert Niblock, convoque en juillet 2005 les dirigeants de l'industrie canadienne pour leur exposer ses vues. Robert Dutton, PDG de Rona [[|ticker sym='T.RON'|]], participe à cette discussion.

«Les échanges étaient banals, ils semblaient mal préparés», se rappelle Robert Dutton. Lui et la direction de Rona décident de lancer l'entreprise dans une offensive d'ouverture de nouveaux magasins pour bloquer l'entrée en scène de Lowe's au Canada.

En 2007, au moment de l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis et de la crise du papier commercial, Lowe's n'a toujours pas ouvert un seul magasin.

De 2008 à 2012, le nouveau venu américain va tout de même ouvrir 30 magasins grande surface alors que le marché canadien de la rénovation se contracte sous les effets combinés de la récession de 2009 et du ralentissement des mises en chantier de 2011.

«Un désastre»

«En mai 2011, deux gros actionnaires de Lowe's, dont GE Capital, nous ont signifié leur intérêt envers Rona parce qu'ils étaient convaincus que Lowe's n'aura d'autres choix que de nous vendre les magasins qu'ils avaient ouverts. L'aventure canadienne de Lowe's était un désastre selon eux», relate Robert Dutton.

En juin 2011, Robert Dutton rencontre le vice-président stratégies de Lowe's lors d'une conférence de l'industrie à Bruxelles et il lui explique les difficultés que son groupe rencontre dans son implantation canadienne. Il demande à Robert Dutton de rencontrer le PDG de Lowe's, le mois suivant à Montréal.

Le 26 juillet, Robert Niblock confesse à Robert Dutton que Lowe's a mal perçu le marché canadien et lui demande comment ils peuvent contrer ensemble les aléas du marché.

Robert Dutton lui propose alors de racheter les magasins Lowe's et consent à donner au groupe américain une participation minimale dans Rona qui ne pourrait être augmentée.

Les dirigeants de Lowe's et de Rona conviennent de se rencontrer un mois plus tard à Morresville, en Caroline-du-Nord, pour poursuivre la discussion.

«On s'est rencontrés le 12 août. L'atmosphère était tendue et là, les gens de Lowe's nous annoncent qu'ils veulent acheter Rona. On leur avait déjà bien fait comprendre que cette éventualité était hors de question. C'est eux qui avaient des problèmes au Canada, pas nous», souligne Robert Dutton.

Investisseurs torontois

«Avant que Lowe's ne dépose sa première proposition, en décembre 2011, les investisseurs torontois Invesco-Trimark, Manulife et Godman, qui contrôlaient 22% des actions de Rona, leur avaient fait savoir qu'ils appuieraient une offre de leur part sur Rona», précise Robert Dutton.

On connaît la suite. En décembre 2011, Lowe's formule au conseil d'administration de Rona une première lettre d'intention en vue d'une offre d'acquisition, qui a été rapidement écartée, et une seconde en juillet 2012 qui a aussi fait l'objet d'un refus du conseil d'administration de Rona.

Pour calmer ses gros investisseurs actionnaires mécontents, Rona a congédié Robert Dutton puis vient de remanier son conseil d'administration.

La prochaine étape pourrait être la vente des magasins Rona à l'extérieur du Québec, ce qui donnerait finalement raison à Lowe's d'avoir joué de patience.