Pour amadouer des actionnaires mécontents et rassurer des détaillants inquiets, la haute direction de Rona (T.RON) leur promet maintenant de recentrer ses priorités sur le redressement de la rentabilité plutôt que la recherche de croissance.

Mais elle leur demande aussi de patienter au cours des prochaines semaines, sinon des prochains mois, jusqu'à ce que la société soit en mesure de faire connaître les objectifs chiffrés de cette nouvelle «stratégie» et les moyens pour y parvenir.

Cet énoncé pourrait survenir vers la fin de février, avec les prochains résultats trimestriels, a indiqué Dominique Boies, chef de la direction par intérim de Rona. Entre-temps, «tout est sur la table», a-t-il admis jeudi lors d'une rencontre de presse à Montréal.

Au menu: révision des grands magasins hors du Québec, revente d'actifs jugés non essentiels, réforme des processus de gestion, délaissement ou renforcement de certaines divisions spécialisées.

«Il n'y a plus de vaches sacrées chez Rona autre que le coeur de notre business, qui est de servir les marchands affiliés qui comptent pour 35% de notre volume d'affaires», a soutenu M. Boies.

Contexte particulier: la rencontre de presse de Rona avait lieu dans un chic hôtel qui est adjacent au siège social de son plus gros actionnaire: la Caisse de dépôt et placement du Québec.

La Caisse fait partie des actionnaires d'importance de Rona qui ont exprimé publiquement leur mécontentement envers ses récents résultats. Un autre actionnaire, la firme de fonds Invesco de Toronto, a même demandé un chambardement du conseil de Rona en raison, dit-elle, de sa mauvaise gestion, au détriment des actionnaires, de la proposition d'achat faite il y a quelques mois par le géant américain Lowe's.

À tout juste 40 ans, et après guère plus d'un an chez Rona comme chef financier, Dominique Boies a dû remplacer au pied levé son patron, Robert Dutton.

Président de longue date de Rona, M. Dutton a quitté son poste il y a un mois, peu après l'annonce de résultats trimestriels décevants pour le plus important détaillant en quincaillerie sous contrôle canadien. Cette démission soudaine est survenue aussi après des semaines d'intrigues sur sa gestion de l'épisode Lowe's, dont la proposition d'achat évaluée à 1,8 milliard avait soulevé la controverse en pleine campagne électorale au Québec.

À propos de Lowe's, Dominique Boies a indiqué hier n'avoir eu aucun contact récent. Mais il a aussi révélé que la première approche entre les deux parties, l'an dernier, avait été faite par Rona au sujet d'un projet d'achat des grandes surfaces de Lowe's en Ontario, afin d'atténuer la surcapacité de ce marché.

La suite pour Rona s'est avérée tout autre, l'incitant même à renverser sa stratégie de grandes surfaces en Ontario pour en remplacer quelques-unes par des magasins moins vastes et de «proximité».

«Après avoir été dans une phase de croissance, qui fut un succès pendant des années, nous devons passer à une autre phase d'optimisation de notre performance. C'est ce que nos actionnaires nous disent et je suis convaincu que c'est nécessaire», selon M. Boies.

Quant aux objectifs de ce virement de cap, les hauts dirigeants de Rona demeurent imprécis. Tout au plus, M. Boies a mentionné que la plus récente rentabilité d'ensemble de Rona (marge de 4,7% au bénéfice d'exploitation/BAIIA) était trop inférieure à la «moyenne historique de 8%».

La direction de Rona a maintenant jusqu'à la prochaine assemblée des actionnaires, prévue le 14 mai, pour les convaincre.

À la Bourse de Toronto, les actions de Rona ont terminé hier en hausse de 2,9% à 10,45$.