«Si les hommes n'aiment pas magasiner, c'est parce que les magasins et les sites Internet de magasinage sont surtout conçus pour les femmes.»

Cette déclaration d'Ethan Song, président et cofondateur de Frank & Oak, risque de provoquer des rugissements d'approbation de la part de bien des hommes.

Une fois le vieux constat établi, toutefois, encore faut-il proposer une solution. C'est ce que fait la jeune entreprise montréalaise avec un site Internet unique qui mise sur la technologie pour simplifier les achats de vêtements de monsieur.

«Un homme qui déteste magasiner va adorer notre service. Mais un homme qui aime magasiner va aussi l'adorer», croit M. Song.

Frank & Oak est une boîte qui joue sur plusieurs tableaux à la fois. L'entreprise dessine elle-même ses vêtements destinés aux jeunes hommes dans ses ateliers montréalais. Les vêtements sont ensuite fabriqués autant en Asie qu'au Canada et aux États-Unis, puis convergent vers l'immense édifice du Nordelec, dans Pointe-Saint-Charles, où l'entreprise loue pour l'instant des locaux.

Sur place, des montagnes de chemises, t-shirts et polos sont stockées dans tous les coins possibles. Les vêtements sont photographiés, puis affichés sur le site Internet de l'entreprise. C'est là que se trouve l'aspect le plus innovateur de la compagnie.

En devenant membre de Frank & Oak, chaque internaute se voit mitrailler de questions sur sa taille et son style. Un algorithme maison utilise ensuite ces informations pour lui proposer des vêtements susceptibles de lui plaire. Le profil des utilisateurs est constamment rajusté selon les pages qu'ils visitent et les vêtements qu'ils achètent. Le résultat, c'est qu'aucun membre de Frank & Oak ne verra exactement la même chose lorsqu'il accédera au site.

«Le but est de rendre l'expérience la plus personnalisée possible, dit Ethan Song. Les algorithmes qui s'en chargent sont sans cesse raffinés. Notre entreprise compte d'ailleurs plus de gens en technologie qu'en mode.»

Une fois les commandes passées en ligne, les vêtements sont expédiés directement aux consommateurs. Frank & Oak ne compte ni boutiques ni points de vente et ne fait affaire avec aucun intermédiaire.

Croissance

Quand l'entreprise a lancé son site, en février dernier, elle comptait sept employés. Ils sont aujourd'hui 27 à se démener dans un espace devenu trop exigu. Le groupe s'apprête d'ailleurs à troquer ses locaux de 3000 pieds carrés pour un espace près de quatre fois plus grand dans le Mile End.

«Je crois que ça traduit bien l'ambition de la compagnie», dit M. Song, qui embauche toujours et espère diriger 35 employés en décembre.

Frank & Oak compte aujourd'hui plus de 100 000 membres, dont 70% aux États-Unis. L'entreprise espérait conclure 10 000 commandes au mois de septembre.

«Montréal est au croisement de la technologie, des médias et de la mode. C'est le meilleur endroit au Canada et peut-être même en Amérique du Nord pour une entreprise comme la nôtre», dit M. Song.

Ce n'est pas l'ambition qui manque chez Frank & Oak, qui veut atteindre un chiffre d'affaires de 25 millions dès l'an prochain. La boîte est financée et conseillée par le fonds québécois Real Ventures, qui a aussi des billes dans Beyond the Rack. Cette dernière offre des vêtements griffés à prix d'aubaine. Avec des revenus qui ont explosé jusqu'à 150 millions en moins de quatre ans, elle est un peu devenue la vedette des entreprises en démarrage de la métropole.

Mais la comparaison est loin de faire peur à Ethan Song. L'entreprise, qui dit être sur le point de conclure une deuxième ronde de financement auprès d'investisseurs canadiens et américains, croit pouvoir faire encore mieux.

«On pense que dans les prochains 10 à 20 ans, on va voir l'émergence de compagnies qui vont offrir des marques aux consommateurs seulement sur le web, hors des modèles traditionnels, dit Ethan Song. On espère être l'une d'entre elles. Le but, ici, c'est d'être un jour aussi gros que GAP.»

--------------------

FRANK & OAK

Qui:

Les fondateurs Ethan Song et Hicham Ratnani, aujourd'hui entourés de 25 autres employés.

L'idée:

Réinventer le magasinage de vêtements pour hommes grâce à un site web intelligent qui leur propose les vêtements qu'ils aiment.

L'ambition:

Atteindre 25 millions de ventes l'an prochain... et devenir un jour aussi gros que GAP.

Ils y croient et y ont misé leur argent:

Le fonds de capital-risque Real Ventures.