L'affaire de corruption au Mexique qui secoue Wal-Mart pourrait se corser alors que le numéro un mondial de la distribution admet qu'elle pourrait déborder sur d'autres filiales internationales et avoir un impact «important» sur ses activités.

Wal-Mart a évoqué jeudi dans un document remis aux autorités boursières une enquête interne sur des accusations de corruption «et autres accusations de crimes ou mauvaises pratiques liées à des filiales étrangères, y compris Wal-Mart de Mexico».

L'enquête interne vise aussi à déterminer si «des accusations préalables portant sur de telles infractions ont été gérées correctement par l'entreprise», ajoute le document, diffusé parallèlement aux résultats trimestriels du groupe, meilleurs que prévu et en hausse de 10% notamment grâce à de bonnes ventes au Mexique.

C'est la première fois que Wal-Mart laisse entendre que l'affaire pourrait dépasser le cadre du Mexique. En outre, dans le document remis à la Commission des opérations de Bourse (SEC), le géant de la distribution souligne que «l'entreprise ne peut fournir aucune assurance que ces problèmes n'auront pas d'impact substantiel sur ses activités à l'avenir», même si elle ne le pense pas «actuellement».

Wal-Mart dit faire l'objet d'enquêtes gouvernementales et de plaintes d'actionnaires qui pourraient se traduire selon lui par des «jugements, accords amiables, amendes, injonctions, ordres de cessation, condamnation pénale et autres pénalités».

Ces plaintes «pourraient déboucher sur des jugements contre ses administrateurs et responsables actuels et passés nommés dans ces procédures» et distraire la direction du groupe de sa mission première.

Le groupe a rappelé aussi qu'il avait lancé en mars un examen de ses pratiques et contrôles internes assurant la conformité avec la loi américaine sur la corruption à l'étranger (FCPA) et qu'il avait pris l'initiative de dévoiler son enquête interne dès novembre au ministère américain de la Justice et à la Commission des opérations de Bourse.

L'affaire a été lancée par un article du New York Times le 22 avril, qui affirmait que Wal-Mart avait caché avoir recouru à la corruption à grande échelle pour se développer au Mexique.

Un des principaux dirigeants de Wal-Mart, Eduardo Castro-Wright, est particulièrement visé par ces accusations, car il pilotait la rapide expansion de l'enseigne Wal-Mart au Mexique au début des années 2000, quand le groupe aurait versé pour 24 millions de dollars de pots-de-vin à des responsables mexicains.

Pour Bradley Simon, avocat spécialisé dans les affaires de corruption d'entreprise, «il y a de fortes chances que des employés ou l'entreprise soient poursuivis. Dans une affaire aussi grosse, il est peu probable que le ministère de la Justice (DoJ) tourne la page facilement».

D'autant que l'affaire a pris un tour politique aux États-Unis pour la deuxième plus grosse entreprise américaine en termes de chiffre d'affaires, derrière ExxonMobil.

Deux représentants démocrates, Elijah Cummings et Henry Waxman, ont envoyé jeudi une lettre au patron du groupe, Mike Duke, dans le cadre d'une enquête parlementaire sur l'affaire.

Ils demandent à entendre l'ex-directrice juridique Maritza Munich, qui avait recommandé au groupe d'étudier plus étroitement des accusations d'irrégularités au Mexique et de mettre en place des règlements anticorruption plus stricts.

Mme Munich avait quitté Wal-Mart en février 2006 et son successeur Alberto Mora avait rapidement clos l'enquête interne sur la question, d'après cette lettre.

«Le pire serait pour Wal-Mart que le DoJ décide de l'inculper (pour corruption). Ça pourrait leur faire mettre la clé sous la porte. Ils l'ont bien fait avec Arthur Andersen», remarque Bradley Simon.

Il estime toutefois que le DoJ n'a sans doute pas l'intention de mettre des dizaines de milliers de personnes au chômage, et que le cas le plus probable serait «une amende suffisamment énorme» pour être dissuasive.