Embêté par un marché difficile, le gros quincailler Rona fait marche arrière dans les grandes surfaces et recentre ses efforts vers ses magasins de taille intermédiaire afin, dit-il, de se rapprocher des nouveaux besoins des consommateurs.

> Suivez Martin Vallières sur Twitter

Avec ce nouveau plan d'affaires, énoncé hier avec ses résultats de fin d'année 2011 marqués à l'encre rouge, Rona espère se donner un nouvel élan de compétitivité et de croissance malgré son marché encore très hésitant.

À court terme, cependant, ce plan d'affaires implique un remaniement d'activités qui lui coûtera près de 300 millions de dollars en frais de restructuration et de radiation d'actifs.

Au coeur de ces changements: le rétrécissement de moitié ou la fermeture complète d'au moins 23 de ses 80 grands magasins au cours des prochains trimestres. Ces changements seront concentrés en Ontario et ne devraient pas toucher les 43 grandes surfaces Rona au Québec, indiquait-on hier au siège social.

Plus précisément, Rona fermera 10 grands magasins qui seront remplacés dans leur marché respectif par l'ouverture ou la rénovation de 25 quincailleries de taille intermédiaire.

Rona les désigne désormais comme «magasins de proximité» où l'accent est mis sur le service à la clientèle par des employés d'expérience, qui auront aussi accès au vaste catalogue de produits et services de tout le groupe.

Par ailleurs, 13 autres grands magasins de Rona seront réduits de 30% à 50% de leur taille actuelle pour en faire des «magasins de proximité» que le détaillant estime mieux adaptés à la demande des clients.

Selon Robert Dutton, président et chef de la direction de Rona, l'attrait des grandes surfaces s'émousse parmi les consommateurs. Et surtout en quincaillerie, où la qualité du service et des conseils en magasins seraient de plus en plus recherchée par les consommateurs.

«Le développement des grandes surfaces a été important depuis 15 ou 20 ans. Mais les consommateurs recherchent maintenant quelque chose de différent. Ils privilégient la proximité des magasins plutôt que le grand assortiment de marchandises. Nous devons nous adapter», a expliqué M. Dutton au cours de la discussion des résultats financiers avec les analystes.

Selon ces derniers, toutefois, le repli de Rona des grandes surfaces serait surtout attribuable aux résultats peu convaincants de son expansion en Ontario avec ce genre de magasins.

Ils citent deux facteurs principaux. D'une part, c'est dans cette province qu'auront lieu la majorité des fermetures et des réductions de grands magasins annoncées hier par Rona.

D'autre part, c'est en Ontario que la concurrence est la plus vive pour les grandes surfaces en quincaillerie.

Gain de rentabilité

Car en plus du géant d'origine américaine Home Depot, que Rona affronte aussi au Québec, le marché ontarien des grandes surfaces est aussi disputé par Lowe's, le deuxième quincailler d'origine américaine en importance.

«Ça demeurera difficile pour Rona de concurrencer directement de tels géants des grandes surfaces dans les principaux marchés métropolitains. Par conséquent, il est prudent de sa part de se recentrer dans les magasins de taille intermédiaire qui mettent plus d'accent sur le service», selon Derek Dley, analyste des détaillants chez la firme financière Canaccord Genuity, de Toronto.

À la direction de Rona, on prédit que ce recentrage commercial devrait ajouter quelque 10 millions au bénéfice d'exploitation dès cette année, et jusqu'à 40 millions d'ici deux ans. Un tel gain de rentabilité serait bienvenu pour redorer les résultats financiers et la valeur boursière de Rona, qui battent de l'aile depuis quelques trimestres.

Le détaillant a d'ailleurs terminé son exercice 2011 avec une perte nette de 150 millions au quatrième trimestre, comparativement à un bénéfice de 21,3 millions un an plus tôt. Une part importante de cette perte est liée aux frais de restructuration que Rona a dû comptabiliser en fin d'exercice.

Les revenus totaux de Rona étaient en légère hausse annualisée de 2,6% au quatrième trimestre. Toutefois, les ventes de ses magasins comparables (ouverts depuis plus d'un an) étaient encore en recul de 2,3% par rapport à l'an dernier.

Pour tout l'exercice 2011, la baisse des ventes des magasins comparables s'est établie à un chiffre inquiétant de 7,3%, conséquence d'un début d'année très difficile chez Rona.

Il en a résulté un léger repli de 0,3% des revenus totaux, à 4,8 milliards. Aussi, le profit net de 142 millions de l'an dernier s'est transformé en perte de 74,7 millions pour 2011.

En Bourse, les investisseurs ont réservé un accueil mitigé aux résultats financiers et au nouveau plan d'affaires de Rona. Ses actions ont reculé de 2% peu après cette annonce, avant de terminer en baisse moindre de 0,4%.

Mais à 9,35$, les actions de Rona demeurent à leur niveau parmi les plus bas depuis août 2003. Il y a un an, elles cotaient autour de 19,65$.