Les Jean Coutu ne se font pas d'amis auprès des dépanneurs depuis quelque temps. Les pharmacies consacrent de plus en plus d'espace en magasin à l'alimentation et viennent concurrencer directement les dépanneurs, qui peinent à maintenir leur rentabilité.

Pour leurs propriétaires, ce malheur s'ajoute aux pertes liées à la contrebande de tabac et aux frais excessifs des cartes de crédit.

Les ventes des dépanneurs au Québec ont tout de même augmenté de 7,4% en 2010, à 7,4 milliards de dollars, en raison de la montée des prix de l'essence. Près de 1 magasin sur 4 parmi les 6000 dépanneurs du Québec est muni de pompes à essence. Au pays, la marge nette reste stable, variant de 0,9% pour les dépanneurs avec station-service à 1,6% pour les simples dépanneurs.

Ces renseignements sont tirés du rapport sur l'industrie 2011 préparé par l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA) qui tient son congrès cette semaine au Palais des congrès de Montréal.

La fermeture des dépanneurs se poursuit, bien que le phénomène ait considérablement ralenti en 2010. Dans la province, 24 établissements ont fermé leurs portes l'an dernier.

«Le secteur des pharmacies constitue la plus grande menace pour les dépanneurs», écrit Clare Nishikawa, de Nielsen, dans le rapport 2011. Elle cite le nombre de points de vente en hausse et les heures d'ouverture plus étendues. Les ventes de sept des huit catégories de produits les plus populaires en dépanneur progressent plus vite dans les pharmacies. C'est le cas des boissons gazeuses, du lait, des collations salées, des boissons énergisantes, des jus, du chocolat et de l'eau.

Moins pire au Québec

Au Québec, les établissements sont moins à risque parce qu'environ 17% de leur chiffre d'affaires provient de la vente d'alcool. Le Québec est la seule province, avec Terre-Neuve-et-Labrador, à autoriser la vente de bière et de vin dans les dépanneurs.

«C'est la bière qui fait fonctionner mon dépanneur», dit au téléphone Don Wei, propriétaire depuis trois ans du Dépanneur 2M, au coin des rues Chabot et Bellechasse dans le quartier Rosemont, à Montréal. M. Wei n'a pas de pompe à essence et n'accepte pas les cartes de crédit en raison des frais.

Des trois premiers vendeurs, tabac, bière et boissons excluant le lait, les deux premiers ne peuvent être vendus par les pharmacies. Elles ne vendent pas non plus d'essence.

Pour croître, les dépanneurs doivent notamment convaincre les nombreux automobilistes qui s'arrêtent faire le plein d'entrer dans le commerce et acheter un autre produit.

Pour ce faire, les dépanneurs doivent combattre la perception selon laquelle les prix sont plus élevés dans ces commerces. C'est l'opinion de 91% des Québécois, selon les données recueillies par l'ACDA.

L'essence à 1,30$ le litre

Outre les perceptions à l'égard des prix, les commerçants doivent absorber des frais de carte de crédit, qui représentent jusqu'à 3% des achats.

«À plus de 1,30$ le litre, le dépanneur vend l'essence à perte à cause des frais de carte de crédit», dit Michel Gadbois, président de l'Association québécoise des dépanneurs alimentaires. Il rêve d'un plafond sur les frais à 0,7%, comme en Australie et en Europe.

Pour ce qui est du tabac, l'Association soutient que la contrebande a repris de plus belle depuis décembre dernier, après une accalmie qui a suivi le déménagement du poste frontière à Cornwall sur la terre ferme. Elle évalue les pertes directes à 700 millions.

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RAPPORT 2011 DE L'INDUSTRIE DES DÉPANNEURS

Au Québec

- 6000 établissements

- 7,4 milliards de ventes

- 47 100 emplois

- 550 millions en salaires et avantages sociaux

- 5,8 milliards perçus en taxes pour les gouvernements