Geste antisyndical grossier et illégal, prétend la CSN. Fermeture pour raison de non-rentabilité, rétorque la direction de Couche-Tard (T.ATD.B).

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À n'en pas douter, la fermeture soudaine par le géant des dépanneurs d'un magasin montréalais dont la dizaine d'employés amorçaient une accréditation syndicale envenime une situation déjà tendue.

«C'est tout de même surprenant de voir une telle situation survenir en 2011 au Québec, dans un contexte de relations patronales-syndicales plutôt sereines par rapport à ce qu'elles ont déjà été», a commenté Jean Charest, directeur de l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal.

Sans vouloir prendre position pour l'une ou l'autre des parties chez Couche-Tard, M. Charest estime que la fermeture soudaine de ce dépanneur du quartier Rosemont augure d'une bataille rangée qui risque d'éclabousser tous les intervenants. «En invoquant un motif financier pour fermer un magasin en voie de syndicalisation, Couche-Tard sera désormais identifié à des entreprises d'origine américaine comme McDonald's et Walmart qui ont acquis une mauvaise réputation à cet égard, selon M. Charest.

«Quant aux dirigeants syndicaux (Fédération du commerce de la CSN), ils doivent sûrement savoir qu'ils s'embarquent dans une campagne d'accréditation dans un secteur où leur risque d'échec est parmi les plus élevés, en raison de taux de roulement élevé des salariés.»

Commentaires

Néanmoins, les commentaires étaient vigoureux parmi les représentants syndicaux, hier, au lendemain d'une fermeture de magasin effectuée en fin de soirée mercredi, à la surprise des employés sur place.

D'autant plus, disent-ils, que ce dépanneur situé à l'intersection des rues Saint-Denis et Beaubien, en plein quartier Rosemont, avait été «entièrement rénové» il y a peu de temps. Et qu'il avait profité de la fermeture d'un concurrent voisin de café et de pâtisseries pour accroître sa clientèle.

Commentaires trompeurs, réplique-t-on chez Couche-Tard. Car, en dépit de rénovations effectuées «il y a un an et demi» afin, justement, de profiter de la fermeture d'un concurrent voisin, ce dépanneur urbain n'aurait jamais atteint ensuite ses objectifs de ventes et de rentabilité.

Par conséquent, prétend Couche-Tard, c'est après une «analyse rigoureuse de rendement» avec une «grille d'évaluation très stricte» que la fermeture de ce dépanneur a été décidée.

Et vite mise à exécution. Car dès hier matin, quelques heures après la fermeture, tous les murs extérieurs et les vitrines du dépanneur étaient placardés de haut en bas. Une enseigne «à louer» avait déjà été accrochée au toit de l'immeuble.

«Nous étions locataires de cette bâtisse et du terrain. C'est désormais à leur propriétaire de décider quoi en faire», a indiqué Denise Deveau, porte-parole de Couche-Tard.

Mais, selon Jean Lortie, président de la Fédération du commerce de la CSN, qui mène la syndicalisation en cours chez quatre dépanneurs, la fermeture soudaine du magasin de Rosemont témoigne d'une «panique antisyndicale» à la direction de Couche-Tard.

«Il faut que les dirigeants de Couche-tard arrêtent de paniquer et de déraper en perte de contrôle. Ce n'est pas un drame d'avoir un syndicat dans un magasin, comme ça existe déjà chez plusieurs détaillants», a indiqué M. Lortie à La Presse Affaires.

En contrepartie, a-t-il dit, les avocats de la CSN se sont vite mis au travail hier pour soumettre cette «fermeture sauvage et antisyndicale» devant la Commission des relations de travail (CRT).

Leur soumission s'ajoutera alors à celle déjà amorcée envers la récente distribution parmi les employés de Couche-Tard d'une vidéo dans laquelle le président, Alain Bouchard, ferait état des risques de fermeture de magasins et de perte d'emplois à la suite d'une syndicalisation.

«Ce sont des gestes en contravention directe au Code du travail, qui proscrit les entraves à la syndicalisation de la part des employeurs», selon M. Lortie.

Chez Couche-Tard, hier, on réfutait ces allégations antisyndicales en soutenant que «des dépanneurs sont fermés régulièrement parce qu'ils n'affichent pas le rendement souhaité et qu'ils ne s'inscrivent plus dans un modèle de gestion souvent cité en exemple».

Du côté des actionnaires du détaillant, on a semblé apprécier ce message.

Les actions de Couche-Tard se sont appréciées de 0,3% à 1% selon les catégories, hier à la Bourse de Toronto, alors que l'indice sectoriel des détaillants était en baisse.