American Apparel n'est pas au bout de ses peines. La chaîne de vêtements de coton hip pourrait se placer à l'abri de ses créanciers (selon le Chapitre 11 du code des faillites aux États-Unis) alors qu'elle est aux prises avec une dette de 40 millions de dollars.

Après avoir connu une hausse significative de ses ventes et profits de 2007 à 2009 et doublé le nombre de ses magasins à 281 dans 20 pays, American Apparel a essuyé plusieurs coups. L'an dernier, elle a mis la clé dans huit boutiques et a vu partir 1800 employés dont les papiers d'immigrations n'étaient pas en règle. «Nous avons perdu 25 millions de dollars juste en main-d'oeuvre, a souligné à La Presse Affaires le PDG de l'entreprise, Dov Charney. Des gens en magasins, mais aussi des mécaniciens et des superviseurs en usine.

«De 2007 à 2009, le BAIIA était de 50 millions de dollars en moyenne, mais en 2010, il était négatif de sept millions.» Les raisons selon le patron? La perte de main-d'oeuvre, mais aussi des retards dans la production de fourniture saisonnière et l'augmentation significative du coût du coton. «J'achète des milliers de livres de coton chaque mois», affirme Dov Charney.

L'entreprise de Los Angeles a déclaré une perte au quatrième trimestre 2010 de 19,3 millions de dollars, contrairement à un profit de trois millions, il y a un an. Les revenus de la dernière année ont chuté de 5% pour s'établir à 533 millions. Au cours de la même période, l'action a perdu 42% de sa valeur. Hier, elle a clôturé à 90 cents, en baisse 6,62%.

«C'est impossible selon moi qu'on se dirige dans cette voie, mentionne à La Presse Affaires le président du conseil Dov Charney, un Montréalais d'origine. Quand on est une entreprise publique aux États-Unis, on doit expliquer toutes les avenues aux actionnaires. Mais je pense qu'on peut avoir une très bonne prochaine année.»

Dov Charney souligne que les ventes en ligne de l'entreprise ont crû de 27,5% au cours du premier trimestre de 2011. «Et on a réduit le coût de la main-d'oeuvre, qui était trop élevé de 25% l'an dernier, et maintenant que de 9%, ajoute-t-il. Peut-être qu'à la fin de l'année, on va réussir à améliorer davantage l'efficacité sur ce plan. Cela dit, je veux maintenir les bons salaires versés aux travailleurs.»

Pas question de délocaliser la production des vêtements pour réduire les coûts et arriver à se renflouer. Elle restera à Los Angeles. «Comme j'ai perdu mes travailleurs, ce n'est pas moins cher de produire à Los Angeles aujourd'hui, note Dov Charney. Mais normalement, c'est plus efficace d'avoir les manufactures et distributeurs au même endroit.»

Pour retrouver le chemin de la rentabilité, American Apparel maintiendra le design de vêtements qui a rendu l'entreprise célèbre et qui cible la jeune génération. La marque pourrait étendre sa présence dans des points de vente autres que ses propres magasins. «Nous vendons depuis 2010 aux Galeries Lafayette et c'est un succès, souligne Dov Charney. On pense le faire aussi à Nice, en Océanie et au Japon.»

En 2011, le président du Conseil espère ajouter 10 millions de pièces aux 47 millions vendues l'an dernier. «Je pense être capable de hausser les ventes de 15% par magasin cette année», affirme Dov Charney. Chaque hausse de 1% se traduit par des profits de 2,5 millions.»

Avis à ceux qui soulignaient le caractère exagérément sexy des publicités d'American Apparel, Dov Charney compte poursuivre dans cette voie. «Je suis fier de nos publicités, dit-il. On ne va pas changer l'esprit des campagnes. Je veux continuer de souligner le fait que nous sommes jeunes et différents.»

Au spectre de la faillite s'ajoutent les histoires d'accusations de harcèlement sexuel très médiatisées qui pèsent sur Dov Charney. Ce dernier vient d'ailleurs lui-même de déposer cinq poursuites pour extorsion contre cinq anciennes employées qui le poursuivent elles-mêmes. «Dans le monde de la mode, je suis le plus jeune chef d'entreprise à avoir du succès, a souligné Doc Charney, au collègue Nicolas Bérubé, la semaine dernière à Los Angeles. Il y a des filles qui m'écrivent et veulent me voir. Je suis vu comme une rock star en ce moment. J'ai le même genre d'attention.

«Avant, j'essayais de garder un profil bas avec ces histoires, ajoute-t-il. Maintenant, j'ai décidé que ça faisait. Je vais donner ma version des faits. Et j'ai des preuves irréfutables que je suis victime de poursuites sans fondements.»

La prochaine année sera donc cruciale à tout point de vue pour American Apparel. «C'est triste, je reconstruis, mais ce n'est pas la fin de ma carrière, dit Dov Charney. Je n'ai que 42 ans, pas 60! Calvin Klein a déjà connu de baisses de ventes dramatiques et il a survécu.»