Meubles de patio, articles de sport, vêtements branchés à bas prix, électroménagers, nourriture... Target promet de jouer dans les platebandes d'une variété de détaillants en ouvrant plus de 100 magasins au Canada d'ici 2013.

Mais, pour l'instant, ceux-ci se disent peu intimidés.

Sears Canada, par exemple, promet de «surveiller de près» l'implantation prévue de Target dans les anciens magasins Zellers. «Nous en savons déjà beaucoup à leur sujet, et nous allons continuer à les surveiller», a fait valoir hier Vincent Power, directeur des communications nationales.

Aux États-Unis, Target a fait sa marque en offrant à ses clients des succursales aérées, où la marchandise est abordable et au goût du jour. Sears Canada, qui exploite 122 magasins dans des centres commerciaux, estime que la qualité de son offre lui permettra de se battre à armes égales avec son nouveau concurrent. Quitte à réduire un peu ses prix.

«Ça fait déjà des années qu'on négocie avec nos fournisseurs pour faire baisser les prix, surtout avec la hausse du dollar canadien», a affirmé Vincent Power.

Walmart, qui avait fait une entrée en force au Canada en 1994 en rachetant une centaine de magasins Woolco, dit pour sa part que la nouvelle concurrence «nous encouragera à nous améliorer». Le géant exploite aujourd'hui 323 succursales au pays et compte poursuivre son expansion.

«Nous allons mettre l'accent sur notre croissance en développant rapidement notre réseau de Supercentre qui est très populaire auprès des consommateurs», a indiqué Alex Roberton, directeur des affaires corporatives au Québec.

Le vieux routier Canadian Tire ne se montre pas plus inquiet de l'arrivée de Target, même si la concurrence pourrait être vive au chapitre des articles saisonniers et sportifs.

«Étant présents dans le paysage depuis 90 ans, nous avons résisté avec succès à l'arrivée d'un nombre incalculable de nouveaux concurrents -petits et grands- au fil des années», a avancé la porte-parole, Adrienne Alexander.

Un avis partagé par l'analyste Candice Williams, de Canaccord. Selon elle, la venue de Target ne sera «certainement pas aussi négative que quand Walmart est arrivé.»

L'effet Walmart

Walmart, paradoxalement, a aidé à stimuler les ventes de certains détaillants lors de son implantation au pays. C'est le cas du groupe Forzani, qui exploite plus de 500 boutiques de sport, notamment sous les bannières Sports Experts, Atmosphère et Intersport.

«Plus nous sommes situés près d'un Walmart, mieux nos magasins se portent», a affirmé hier Michael Lambert, chef des finances de Forzani.

Comme Walmart offre un assortiment de produits de sport plus limité que celui des boutiques spécialisées, les clients qui ne trouvent pas ce qu'ils cherchent sont naturellement portés à se rendre dans les commerces de Forzani en sortant les mains vides du supercentre, fait valoir M. Lambert.

Il s'attend à un scénario similaire avec Target. «Ils vont plus se battre contre Canadian Tire et Walmart, avec des produits d'entrée de gamme, a-t-il dit. On ne s'attend pas à ce que ça nous affecte.»

Target versera 1,83 milliard de dollars à HBC, société mère des magasins Zellers et La Baie, pour mettre la main sur les baux de 220 Zellers au Canada. La chaîne américaine prévoit en convertir entre 100 et 150 d'ici trois ans et investir 1 milliard pour les rénover.

Intimidation des employés

Malgré son aura de branchitude qui le distingue de Walmart, Target serait loin d'être un modèle à suivre en matière de relations de travail. Aucune de ses 1752 succursales américaines n'est syndiquée, et le groupe ne cache pas son antisyndicalisme.

Les employés de Target doivent par exemple visionner une fois par mois une vidéo qui les prévient contre les syndicats, affirme Douglas Mork, responsable du recrutement à la section locale 1189 du United Food and Commercial Workers Union (UFCWU), principal syndicat qui représente les employés d'épiceries et de commerces aux États-Unis, avec 1,3 million de membres.

La section locale 1189, établie à St. Paul, ville voisine de Minneapolis où se trouve le siège social de Target, n'a entrepris aucune démarche pour syndiquer un magasin Target ces dernières années. «Les employés sont si intimidés qu'on n'a jamais pu entreprendre une campagne de recrutement», a noté Douglas Mork.

«L'entreprise est très habile pour se donner une belle image, en redonnant une partie de ses profits à la communauté (NDLR: 5%) et en soutenant les vétérans, a-t-il poursuivi. Mais, comme employeur, Target n'est pas meilleur que Walmart.»

La chaîne a par ailleurs sous-traité toutes ses activités de soutien informatique et administratif à Bangalore, en Inde.

-Avec la collaboration de Sophie Cousineau