Le cours du maïs flirte avec des sommets historiques et c'est une mauvaise nouvelle pour les amateurs de steak. La poussée des prix des céréales devrait bientôt se traduire par des prix plus élevés pour les consommateurs, affirment les producteurs québécois.

«En fin de récession, les chaînes d'alimentation ont été frileuses à l'idée de refiler la hausse à leurs clients, explique Anne Fornasier, agroéconomiste à la Fédération des producteurs de bovins du Québec. Mais à un moment donné, elles vont finir par refiler la note aux consommateurs.»

Hier, le cours du boeuf a connu une légère baisse de 0,3%, mais les prix ont crû de 15% depuis le début de l'année. Le porc s'est apprécié de 13% pendant la même période, mais son prix a baissé au cours des derniers jours.

Le cours de la viande devrait cependant repartir à la hausse dans les prochaines semaines, selon les analystes, surtout si le cours des céréales continue d'augmenter.

Le prix du maïs a en effet grimpé pour la cinquième journée consécutive, hier, au Chicago Board of Trade, atteignant 5,88$US le boisseau en cours de séance. C'est le niveau le plus élevé depuis août 2008, lorsque le prix de la céréale menaçait de provoquer une crise alimentaire mondiale.

Le maïs s'est apprécié de 17% depuis une semaine, après que le département américain de l'Agriculture eut révisé à la baisse ses prévisions de récolte pour la deuxième fois en autant de mois. Les autorités américaines ont augmenté encore davantage la pression sur les prix, hier, en haussant de 10% à 15% la proportion maximale d'éthanol dans l'essence distribuée à la pompe.

Cette décision, qui doit favoriser la consommation de biocarburants, devrait stimuler encore davantage la demande pour le maïs, principal ingrédient de l'éthanol et de la moulée pour animaux d'élevage.

«Quand le prix du grain augmente, le producteur doit payer plus cher pour engraisser ses bêtes, indique Anne Fornasier. C'est son profit qui disparaît. Voilà pourquoi plusieurs producteurs se disent que ce n'est pas un bon moment pour augmenter leur cheptel.»

Depuis des années, les producteurs réduisent progressivement la taille de leur cheptel, un phénomène qui provoque une augmentation progressive du cours du boeuf. Mais l'explosion du cours du maïs des dernières semaines risque fort de changer la donne.

L'augmentation progressive du prix du boeuf sur le marché de Chicago au cours des derniers mois aurait dû inciter les producteurs à augmenter la taille de leur cheptel. Mais maintenant, le cours de la céréale les force à y réfléchir deux fois.

Un bouvillon qui est mis en vente à 1275 livres a consommé en moyenne 55 boisseaux de maïs avant d'être envoyé à l'abattoir. À 5$US le boisseau, c'est environ 275$US par bête.

Les éleveurs qui ne se sont pas protégés en acquérant des options sur le maïs alors que son cours était plus bas risquent maintenant des pertes importantes si le cours de la céréale continue de s'envoler. Et les consommateurs risquent eux aussi de subir le contrecoup de cette tendance.

«Si le prix du maïs augmente de façon substantielle et pour une période prolongée, le prix de la nourriture va augmenter aussi», résume Kenrick Jordan, économiste chez BMO Marchés des capitaux.

Le président de la Fédération des producteurs de porc du Québec, Jean-Guy Vincent, n'entrevoit pas de différence notable pour les consommateurs, du moins pas avant quelques mois. Mais pour ses membres, la situation actuelle est inquiétante.

Le prix du porc est fixé à la Bourse de Chicago, donc en dollars américains. Lorsque le dollar canadien s'apprécie vis-à-vis du billet vert, les producteurs perdent au change. Et la hausse du prix de la moulée vient maintenant augmenter leurs coûts de production.

«Pour le producteur d'une ferme-type au Québec, c'est au moins 15$ de plus par porc», explique M. Vincent.

Pas de crise alimentaire en vue

La dernière flambée des prix du maïs, en 2007 et 2008, avait propulsé le prix de la nourriture, provoquant une crise alimentaire mondiale. Mais un tel scénario n'est pas encore à nos portes, estime Yanick Desnoyers, économiste principal à la Financière Banque Nationale. La raison principale: le cours du pétrole est beaucoup moins élevé qu'à cette époque.

«Le coût de production, en énergie, demeure moins élevé qu'en 2008, malgré l'augmentation des prix du grain», indique-t-il.

Reste que, selon lui, la pression sur les prix des aliments restera élevée, tant et aussi longtemps que le tiers de la production de maïs américaine servira à fabriquer de l'éthanol au lieu de la nourriture. Et la demande en nourriture des pays émergents comme la Chine et l'Inde devrait aussi contribuer à l'essor des prix.

«Plus ça va aller, affirme M. Desnoyers, plus les pays émergents vont mettre de la pression sur le prix des denrées, notamment le prix de la nourriture.»