Est-ce les consommateurs qui décident ce qui se trouvent sur les tablettes ou est-ce, à l'inverse, les fabricants qui leur imposent leurs produits?

«Les consommateurs sont les patrons! défend sans hésiter Nick Jennery, président du Conseil canadien de la distribution alimentaire. Nous ne faisons pas un seul produit dont ils ne veulent pas. Les consommateurs décident et nous leur offrons le choix.» Et pour être certain de bien répondre aux besoins de leurs clients, les épiciers les épient. Ils s'intéressent à leurs revenus, à leurs caractéristiques sociodémographiques. Ils essaient ensuite de marier ces données aux nouvelles tendances pour faire banco. «Notre métier est une science et un art», s'amuse Nick Jennery. Le Conseil regroupe les grands détaillants alimentaires du pays. «Ce que nous voulons, c'est être devant la vague, explique son président. Il faut anticiper le prochain besoin du consommateur.»

L'innovation est assez importante en alimentation pour que le groupe Provigo fasse voyager son équipe de développeurs partout dans le monde, les tendances alimentaires ayant l'habitude de venir d'ailleurs, d'Europe surtout.

Les têtes chercheuses vont donc voir ce qui fait vibrer les papilles des gourmands d'outremer et estiment ensuite quelles nouveautés peuvent aussi titiller les goûts canadiens. Développer un produit peut prendre quelques mois ou quelques années, explique Josée Bédard, directrice des communications au groupe Provigo. Par exemple, il a fallu 18 mois à l'équipe innovation pour accoucher de l'assiette de dim sum Le Choix du Président. L'inspiration est chinoise, mais le produit devait répondre aux habitudes canadiennes. Le test ultime se fera en épicerie.

«La place que se mérite un produit vient de la demande des consommateurs, dit Josée Bédard. C'est important d'avoir le bon produit, au bon endroit, au bon moment.»

Taux de roulement

Malgré toutes les informations sur leurs clientèles dont ils disposent, les innovateurs de l'alimentation ne visent pas toujours dans le mille: la majorité des nouveaux produits ne survivent pas une année sur les tablettes.

Il ne faut pas voir cet impressionnant taux de roulement comme un échec, prévient Nick Jennery. Les consommateurs sont de grands infidèles au supermarché, dit-il. Leurs valeurs changent rapidement. «Moi-même, j'achète des produits que je n'achetais pas il y a six mois», confie Nick Jennery, depuis Toronto.

Les épiciers doivent aussi contenter les goûts de clientèles fort différentes, qui se croisent dans les allées des supermarchés. «Nous avons des clients qui cuisinent et d'autres qui ne cuisinent pas», dit le grand patron des épiciers.

Les consommateurs n'ont pas tous les mêmes exigences, précise M. Jennery. Une famille de quatre et un célibataire ne font pas leur épicerie de la même manière. Et il faut des produits pour l'un et l'autre. Plus compliqué encore: les consommateurs ont de multiples personnalités, au rayon de l'épicerie. «Les week-ends, je prends le temps de me cuisiner un bon repas, à partir des ingrédients de base, dit Nick Jennery, mais la semaine, je vais être trop pressé pour cuisiner et utiliser le prêt-à-manger.»