Wal-Mart (WMT) avait le droit de fermer son magasin syndiqué de Jonquière, mais l'entreprise a agi illégalement quand elle a licencié ses employés durant la négociation de leur première convention collective, a conclu le tribunal d'arbitrage chargé de trancher le litige. Le géant du commerce au détail contestera la décision de l'arbitre de grief Jean-Guy Ménard rendue publique hier matin.

En mai 2005, Wal-Mart avait fermé son magasin de Jonquière et licencié ses 190 employés syndiqués qui négociaient leur première convention collective depuis août 2004. Wal-Mart a expliqué avoir pris cette décision pour des raisons d'affaires, mais elle n'a pas mis en preuve en cour l'ampleur du déficit de son magasin de Jonquière.

«Nous étions déficitaires, mais nous ne communiquons pas les données financières de nos magasins«, dit Alex Roberton, porte-parole de Wal-Mart Canada.

«Wal-Mart n'a présenté aucune preuve en cour, probablement parce qu'elle savait que cette preuve ne tiendrait pas aux contre-interrogatoires, dit Me Claude Leblanc, l'avocat du syndicat. Wal-Mart dit publiquement que le magasin était déficitaire, mais elle ne présente pas de preuve quand vient le temps de le faire en cour.»

Sans preuve tangible des difficultés financières du magasin de Jonquière, l'arbitre de grief Jean-Guy Ménard a donné raison au syndicat des ex-employés de Wal-Mart, qui soutiennent avoir été licenciés illégalement. «Il n'était pas suffisant de dire qu'il s'agissait d'une "décision d'affaires" dont (Wal-Mart) avait l'exclusivité; il lui fallait expliquer cette "décision d'affaires" (...)», écrit l'arbitre Jean-Guy Ménard.

M. Ménard a conclu que Wal-Mart a contrevenu à l'article 59 du Code du travail, qui interdit de modifier les conditions de travail de ses employés durant la négociation de la première convention collective. Selon l'arbitre de grief, licencier les employés équivaut à modifier illégalement leurs conditions de travail.

«À partir du dépôt d'une requête en accréditation (syndicale), l'Employeur ne disposait pas de toutes les discrétions et il n'était pas à l'abri de tout contrôle du moment qu'il s'agissait d'une question de gestion de ses affaires, écrit l'arbitre Jean-Guy Ménard. Il avait toujours le pouvoir de gérer les activités de son magasin, mais il était exposé à expliquer des décisions comme des mises à pied qui constituent des modifications des conditions de travail des salariés (...) À défaut de l'avoir fait, il m'oblige à conclure qu'il y a eu modification illégale des conditions de travail des salariés par le fait des mises à pied qu'ils ont subies (...).»

La décision arbitrale confirme toutefois le droit de Wal-Mart de fermer son magasin syndiqué de Jonquière. L'arbitre de grief a suggéré aux parties de s'entendre sur les indemnités à accorder aux ex-employés de Wal-Mart pour compenser leur licenciement illégal.

Les négociations ne commenceront pas avant plusieurs mois, puisque Wal-Mart contestera la décision du tribunal d'arbitrage. Le géant du commerce au détail entend déposer prochainement une demande de révision judiciaire devant la Cour supérieure. «Nous considérons que la décision de l'arbitre au sujet des licenciements est déraisonnable car il a confirmé notre droit de fermer le magasin, dit Alex Roberton, porte-parole de Wal-Mart. Si nous devons fermer le magasin, il faut licencier les employés.» Si la Cour supérieure confirme la décision de l'arbitre de grief, Wal-Mart pourrait demander une permission d'en appeler à la Cour d'appel du Québec.

Combien Wal-Mart pourrait-elle débourser pour avoir licencié illégalement ses employés syndiqués? Difficile à dire, répond l'avocat du syndicat. «Établir une indemnité pour la perte de son emploi dans ce contexte est une première au Québec, dit Me Claude Leblanc. La capacité de payer de Wal-Mart ne sera pas remise en cause. Chose certaine, les ex-employés de Wal-Mart n'ont pas l'intention de laisser de l'argent sur la table.»