Le désastre qu'ils appréhendaient n'a pas eu lieu, mais les petits marchands obligés d'ouvrir leurs portes hier n'ont pas récolté la manne, loin de là. Une nouvelle réglementation provinciale qui autorise les commerces à ouvrir le 2 janvier a forcé certains détaillants à tenir boutique en vertu des dispositions de leur bail.

Le désastre qu'ils appréhendaient n'a pas eu lieu, mais les petits marchands obligés d'ouvrir leurs portes hier n'ont pas récolté la manne, loin de là. Une nouvelle réglementation provinciale qui autorise les commerces à ouvrir le 2 janvier a forcé certains détaillants à tenir boutique en vertu des dispositions de leur bail.

Quelques centaines de personnes déambulaient dans les couloirs de la Place Montréal Trust, hier après-midi, mais Zulma Almada s'ennuyait à mourir. Elle a ouvert le petit stand dans lequel elle vend des colliers importés du Mexique à 10h. Et à 13h30, lors du passage de La Presse, elle n'avait encore rien vendu.

«Dans les centres commerciaux, les clients se promènent pour regarder, mais ce ne sont pas des journées où il y a des ventes», a-t-elle soupiré.

Alors, pourquoi ouvrir son stand? C'est que son bail l'y oblige. «On n'a pas le choix, c'est une politique du centre, a-t-elle expliqué. Si le centre commercial le décide, il faut ouvrir.»

La commerçante espérait encore voir les affaires débloquer avant la fermeture, prévue à 21h. Mais d'autres cachaient mal leur frustration.

«C'est une aberration, a dénoncé Luc Lemaître, copropriétaire de la boutique Collection Lux Æterna. La société est vraiment rendue à l'affût du moindre cent.» Quelques curieux sont venus jeter un coup d'oeil à sa marchandise, mais M. Lemaître n'espérait pas grand-chose de la journée.

Rue Sainte-Catherine, on était loin de la folie du mois de décembre et des soldes du lendemain de Noël. La plupart des magasins ont ouvert. Mais certains l'ont fait à 9h, d'autres à 13h. Et plusieurs bannières ont carrément boudé la journée, notamment Mexx et Simons.

Le propriétaire de ce dernier magasin, Peter Simons, s'était d'ailleurs insurgé contre le projet de loi du gouvernement, adopté il y a à peine trois semaines. «Les gens travaillent fort, a-t-il déclaré à La Tribune. Il faut trouver un équilibre entre la vie en société et les heures d'ouverture des magasins. (...) On a le devoir de se mettre debout et de dire que ça suffit.»

«Personne n'est content de travailler», a reconnu Lina Dieso, gérante de la boutique F. Carrière. Mais il y avait au moins une consolation, dans son cas: les ventes allaient plutôt bien. «Je suis surprise, a-t-elle convenu. Je pensais que ça serait mort.»

Au terme d'une consultation, le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, avait annoncé le 10 décembre une série de modifications à la loi pour permettre aux magasins d'alimentation et aux pharmacies d'ouvrir le 2 janvier et le 1er juillet. Les détaillants ont aussi obtenu le droit de tenir boutique le 2 janvier, afin de ne pas subir une concurrence déloyale.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante approuve le projet. Mais son vice-président, Simon Prévost, admet avoir été surpris par la grogne des petits marchands. Plusieurs craignaient que les clients ne désertent leurs boutiques après la frénésie du magasinage des Fêtes. D'autres ont eu un mal fou à dénicher des employés pour la journée à seulement trois semaines d'avis.

«Ce qui est clair, c'est que tous les intervenants n'étaient pas assis autour de la table quand le ministre a discuté avec différentes personnes avant de proposer ça, a expliqué M. Prévost. Sinon, on l'aurait vu venir. Ça arrive vraiment à la dernière minute et, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, ça peut être assez pénible pour certains commerçants.»

Hagop Artinian, qui exploite le magasin de chaussures Bellini, rue Sainte-Catherine, était d'ailleurs furieux contre le gouvernement. Non pas pour son décret, mais bien pour le moment auquel il a été annoncé. En prenant les marchands de court, Québec en a incité plusieurs à fermer boutique, a-t-il déploré. Et ce faisant, il a pénalisé les commerces qui ont choisi d'ouvrir.

«On aurait pu faire mieux si le Simons et le Mexx avaient été ouverts», a-t-il conclu.