La Banque du Canada laisse les taux d'intérêt inchangés, alors que l'économie traverse une période de ralentissement temporaire attribuable à la forte chute des prix du pétrole, a affirmé mercredi le gouverneur de la banque centrale, Stephen Poloz.

La récente chute des prix du brut a assombri les perspectives économiques à court terme de la banque centrale, mais M. Poloz a prédit que les effets de la nouvelle crise pétrolière disparaîtraient au cours des prochains mois et permettraient au Canada de reprendre de plus belle son expansion économique.

« Au fur et à mesure que la neige fondra, nous aurons une idée plus claire du fait que l'économie est sur la bonne voie et qu'elle risque de croître au-dessus ou autour de 2 % par la suite », a affirmé M. Poloz aux journalistes, après avoir annoncé que la banque maintenait son taux directeur à 1,75 %.

La banque a répété mercredi qu'il lui faudrait encore augmenter les taux, mais, cette fois, elle a inséré la locution « avec le temps » dans sa déclaration.

« Cela a pour but d'injecter une certaine ambiguïté dans le calendrier, parce que de toute évidence, nous sommes aux prises avec des développements survenus au cours des derniers mois qui constituent un retard », a expliqué M. Poloz.

« L'expression "avec le temps" est censée indiquer qu'il n'y a pas de régularité, qu'il n'y a pas de cours prédéfini - tout est une question de données, et c'est délibérément vague. C'est pourquoi je n'expliquerai pas combien de temps cela signifie. »

Grâce à la vigueur de l'économie, M. Poloz a relevé cinq fois le taux directeur de la banque depuis l'été 2017 afin d'empêcher l'inflation de trop grimper. La Banque du Canada a déjà précisé qu'elle n'aurait plus besoin d'augmenter son taux une fois qu'elle aurait atteint un niveau « neutre » compris entre 2,5 % et 3,5 % - une fourchette cible qui est en cours de révision et qui pourrait être mise à jour en avril, a ajouté M. Poloz.

La banque a indiqué que le moment choisi pour sa prochaine hausse dépendrait de plusieurs facteurs, notamment des développements sur les marchés pétroliers, du secteur canadien de l'habitation et de la politique commerciale mondiale.

La récente baisse des prix du brut aura un « effet important » sur les perspectives canadiennes, a indiqué la banque. En conséquence, la croissance sera plus lente que prévu dans une économie qui, selon la banque, offre autrement une bonne performance.

Prévisions de croissance révisées

Selon les prévisions, la croissance ne sera plus que de 1,7 % en 2019, un chiffre en baisse par rapport à la prévision de 2,1 % émise en octobre. La banque reste cependant optimiste et juge que l'économie devrait commencer à se redresser dès le deuxième trimestre de cette année.

La croissance pour le quatrième trimestre de 2018 devrait maintenant être de 1,3 %, estime la banque, comparativement à une prévision précédente de 2,3 %. La croissance au cours du premier trimestre de 2019 ne devrait être que de 0,8 %.

La Banque du Canada estime que les problèmes du pétrole, qui ont débuté l'été dernier et ont vu un certain redressement des prix ces dernières semaines, réduiront le produit intérieur brut (PIB) du Canada de 0,5 % d'ici la fin de 2020. La répercussion économique de la baisse devrait être d'environ un quart de la valeur du choc pétrolier de 2014-2016, a prédit la banque.

La banque a souligné mercredi plusieurs incertitudes : la persistance de la baisse des prix du brut, son incidence sur les régions non productrices de pétrole, la manière dont les dépenses des ménages s'adaptent aux précédentes hausses de taux d'intérêt et au resserrement des règles en matière de crédit hypothécaire, et l'évolution du commerce mondial.

Le gouverneur de la banque centrale a en outre été questionné sur la façon dont le Canada pouvait se protéger des inconnus commerciaux liés au différend entre les deux plus grandes économies du monde - les États-Unis et la Chine, aussi les deux plus grands partenaires commerciaux du Canada - ou des craintes entourant les conséquences économiques potentielles du Brexit.

« Malheureusement, il ne semble pas y avoir d'endroit où il est possible de se protéger de telles incertitudes », a-t-il affirmé, avant de discuter du conflit américano-chinois. « Si l'économie mondiale ralentit [...], cela affectera tous les pays. »

Outre la chute du pétrole, la consommation et les investissements dans le logement ont été jugés plus faibles que prévu, en grande partie à cause des coûts d'emprunt plus élevés et des directives plus strictes en matière de prêts hypothécaires.

Mais les commentaires de la banque mercredi ont également évoqué des signes encourageants pour l'avenir.

La banque a prédit que les exportations et les investissements des entreprises non énergétiques progresseraient « à un rythme solide ». Elle a aussi estimé que les investissements des entreprises seraient stimulés par certaines modifications fiscales annoncées récemment par Ottawa, qui permettront aux entreprises de réduire davantage le coût des nouveaux équipements l'année de leur achat.

Même avec la diminution des dépenses des ménages, la banque a indiqué qu'elle devrait continuer à être soutenue par d'autres facteurs, notamment une croissance démographique alimentée par l'immigration, un faible taux de chômage, une baisse des prix de l'essence et des augmentations de salaire.

« Il ne fait aucun doute dans notre esprit que l'économie est assise [sur] une base solide », a déclaré Poloz au sujet du conseil de direction.

La banque s'attend à une croissance supérieure au potentiel de 2,1 % en 2020.

La forte décélération de la croissance des salaires au Canada depuis le printemps dernier est une source de préoccupation pour plusieurs analystes, d'autant plus que le resserrement du marché du travail devrait se traduire par une hausse des salaires.

Dans son dernier rapport sur la politique monétaire, publié mercredi, la banque centrale a évoqué cette situation en affirmant que les chiffres de la croissance des salaires au niveau national avaient été alourdis par des données plus faibles dans les provinces productrices de pétrole. En comparaison, le reste du pays a connu une croissance régulière des salaires au cours des dernières années, et la banque continue d'espérer qu'elle s'accélérera.