Alors que l'encre du nouvel accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique est à peine sèche et que sa ratification par les trois signataires s'annonce aussi laborieuse, le gouvernement Trudeau entend redoubler d'efforts pour réduire la forte dépendance du pays par rapport au marché américain.

Le ministre des Finances Bill Morneau compte en effet profiter de la mise à jour économique et financière qu'il doit faire mercredi prochain à la Chambre des communes pour annoncer de nouvelles mesures visant à faciliter les exportations des entreprises canadiennes vers d'autres marchés, en particulier l'Europe et l'Asie, selon des informations obtenues par La Presse.

Ces mesures, qui pourraient prendre la forme d'investissements accélérés dans les corridors jugés essentiels pour faciliter le transport des marchandises vers ces marchés et de budgets plus imposants pour les bureaux commerciaux à l'étranger, entre autres, constitueront l'un des éléments importants de cette mise à jour, a-t-on indiqué.

« La diversification de nos échanges commerciaux sera l'un des thèmes de la mise à jour économique », a confié une source digne de foi, qui a requis l'anonymat puisqu'elle n'avait pas l'autorisation de parler publiquement du contenu de l'annonce du ministre Morneau.

« Notre objectif est de faciliter la vie aux entreprises qui veulent exporter leurs produits », a ajouté une source libérale.

Visiblement, les négociations souvent acrimonieuses entre Ottawa et Washington sur la modernisation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui a débouché à la onzième heure sur l'Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), ont relancé le désir du gouvernement canadien de trouver de nouveaux marchés.

BOUCHÉES DOUBLES

D'ailleurs, le premier ministre Justin Trudeau se fait l'apôtre d'une telle diversification durant son voyage officiel en Asie ces jours-ci, allant même jusqu'à exhorter le bloc de 10 pays asiatiques réunis sous l'égide de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (les Philippines, l'Indonésie, Brunei, Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, le Viêtnam, le Laos, le Cambodge et la Birmanie) à entreprendre des négociations avec le Canada pour conclure un accord de libre-échange.

Cet automne, le gouvernement Trudeau a aussi mis les bouchées doubles pour ratifier l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, qui réunit 11 pays des deux rives du Pacifique, dont le Canada, le Japon, le Chili et l'Australie, mais pas les États-Unis, et qui devrait entrer en vigueur à la fin de décembre.

« Les États-Unis resteront toujours notre principal marché. Mais il faut poursuivre nos efforts pour diversifier nos marchés d'exportation. » - Une autre source libérale

Dans son budget de 2017, le gouvernement Trudeau a annoncé son intention d'investir 2 milliards sur 11 ans afin de rendre les corridors commerciaux « plus efficaces et plus fiables » en réduisant notamment les goulots d'étranglement.

Ce programme a connu un tel succès que 800 millions ont déjà été investis dans le but de désengorger les grands ports du pays comme ceux de Vancouver et de Montréal et les routes qui mènent à ces lieux stratégiques pour les exportations canadiennes. Il ne reste donc plus que 1,2 milliard dans la cagnotte alors que les projets issus du secteur privé pour favoriser les exportations se multiplient.

Le grand argentier du pays verrait d'un bon oeil l'idée d'augmenter la cadence pour ce qui est de ces investissements.

DEUX AUTRES THÈMES

Selon nos informations, deux autres thèmes à saveur économique ressortiront de la mise à jour économique de Bill Morneau : la compétitivité des entreprises canadiennes dans un contexte nord-américain et le commerce intérieur, toujours freiné par les obstacles qui subsistent entre les provinces dans certains secteurs.

Bill Morneau n'aurait pas l'intention d'emboîter le pas à l'administration Trump en réduisant le fardeau fiscal de manière marquée pour les entreprises et les sociétés. Le ministre des Finances croit qu'il existe d'autres mesures moins coûteuses pour le Trésor fédéral pouvant aider les entreprises canadiennes à rivaliser avec leurs concurrentes américaines. L'idée de permettre aux entreprises canadiennes de déduire plus rapidement leurs investissements dans l'achat d'équipements et de technologies, comme c'est maintenant le cas aux États-Unis, est dans les cartons.

En ce qui a trait au dossier du commerce intérieur, le ministre Morneau devrait lancer un nouvel appel à l'abolition des barrières au commerce, préparant ainsi le terrain à la conférence des premiers ministres que veut convoquer Justin Trudeau en décembre.

L'un des principaux objectifs du premier ministre lors de cette rencontre avec ses homologues provinciaux - la première à laquelle participera le premier ministre du Québec François Legault - est justement de faire le point sur les mesures prises par les provinces pour faciliter le commerce intérieur.