Quoi qu'en disent les chefs politiques au Québec, Justin Trudeau juge avoir sauvé la gestion de l'offre que le président américain Donald Trump voulait «détruire» - et ce, même s'il a reconnu que l'ouverture d'une autre brèche dans le système n'était pas «l'idéal».

«On sait très bien que l'administration américaine visait l'élimination de la gestion de l'offre. Et ce qu'on a fait avec cet accord a été de protéger la gestion de l'offre pour les générations futures parce que c'est un système qui fonctionne», a-t-il offert en conférence de presse.

Le Canada a ouvert une brèche de 3,59 pour cent du marché des produits laitiers en concluant l'Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). Le système de gestion de l'offre avait déjà été fragilisé par l'entente avec l'Union européenne et par le Partenariat transpacifique.

En ce jour d'élections au Québec, les chefs Philippe Couillard, François Legault, Jean-François Lisée et Manon Massé ont désapprouvé à l'unisson les conséquences de l'accord de principe sur le secteur laitier et de nouveau brandi la menace d'en bloquer l'entrée en vigueur.

Invité à réagir à cette levée de boucliers, Justin Trudeau a argué que le «contexte électoral (...) enflamme (sic) un peu la rhétorique à ce niveau-là». Il a dit comprendre «l'anxiété» des producteurs et s'est adressé directement à eux.

«On va travailler avec vous, avec l'industrie laitière au Québec et partout au pays pour s'assurer qu'on est en train de créer des compensations nécessaires et justes pour vous aider à continuer de réussir», a-t-il promis.

Le premier ministre a soutenu que cette concession lui avait laissé un goût amer. «C'est certain que quand on a dû faire un certain mouvement sur les produits laitiers, c'était pas idéal», a-t-il laissé tomber.

Les libéraux se défendent d'avoir abandonné le secteur de la production agricole québécoise au profit de l'industrie automobile ontarienne: «On n'a sacrifié ni le secteur de l'automobile en Ontario, ni la gestion de l'offre», a offert le ministre des Transports, Marc Garneau.

En Ontario, le premier ministre Doug Ford a lui aussi signalé qu'il réclamerait une indemnisation pour les producteurs laitiers de sa province.

Tarifs maintenus

L'entente ne signe pas l'arrêt de mort des tarifs sur les exportations d'acier et d'aluminium imposés en vertu de l'article 232 sur la sécurité nationale. «L'élimination des tarifs demeure une priorité pour nous et pour le Mexique», a insisté le premier ministre canadien à Ottawa.

Du côté de Washington, le président Donald Trump avançait lundi matin en conférence de presse dans le jardin de la Maison-Blanche que ces tarifs resteraient en place jusqu'à ce qu'ils soient remplacés par autre chose «comme des quotas, peut-être».

Mais la menace de l'imposition de tarifs sur l'automobile, elle, pèse beaucoup moins lourd, s'est réjouie  la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, qui pilotait depuis 13 mois cet épineux dossier.

«(L'entente de principe) nous protège contre le spectre des droits de douane sur le secteur automobile qui planait sur notre économie. En soi, c'est une victoire», a-t-elle tranché au côté de Justin Trudeau.

En vertu de l'accord, Ottawa dispose d'un jeu d'un million de véhicules avant l'imposition de possibles tarifs, et «on ne s'attend pas à ce que le marché explose à ce point-là», a souligné lundi une source gouvernementale canadienne.

Chapitre 19 et exception culturelle

Le premier ministre s'est par ailleurs réjoui que les négociateurs du camp canadien aient réussi à garder vivant «dans son intégralité» le chapitre 19, ce mécanisme de règlement des litiges commerciaux auquel Ottawa tenait mordicus.

«C'était une priorité pour nous de garder en place les règles qui géraient le règlement de différends pour un accord comme ça, et quand on l'a eu, pour moi, c'était un très très bon signe», a-t-il relaté.

Et Ottawa est également parvenu à conserver l'exemption culturelle, un rempart protégeant le secteur de la culture, s'est réjoui le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, lundi après-midi.

«Plus important encore: elle s'applique à l'ère numérique, donc indépendamment du format, elle s'applique sur tout: sur les anciens formats, sur les formats actuels et sur des formats qu'on ne connaît même pas aujourd'hui», a-t-il exposé en mêlée de presse.

«C'était important pour nos créateurs», a complété le ministre Rodriguez.

Trump vante son accord

Le président Trump a parlé lundi en conférence de presse d'«une nouvelle historique pour notre nation et même pour le monde entier». Il a ensuite salué le premier ministre canadien disant avoir pour lui «le plus grand respect».

Il a cependant concédé qu'il y avait eu «une forte tension» entre le dirigeant canadien et lui. «Il y avait beaucoup de tension», a-t-il répété à quelques reprises. «Savez-vous quand ça a fini? Vers minuit hier soir», a-t-il offert, sourire en coin.

Et «oui», les produits laitiers étaient «l'obstacle majeur» à un accord. «Et maintenant, pour nos fermiers, (les marchés) sont beaucoup plus ouverts. Et je sais que (les Canadiens) ne peuvent pas les ouvrir complètement. Ils ont, eux aussi, des fermiers», a-t-il ajouté.

Pour sa part, le président dit que sa «plus grande concession» aura été tout simplement d'accepter de signer un accord de libre-échange avec ses voisins. Donald Trump a dit qu'il signerait l'entente d'ici la fin du mois de novembre.

Le texte sera ensuite envoyé au Congrès américain pour son approbation. «Ça passera facilement (au Congrès)», à son avis, parce que c'est une «entente juste».

Les négociations de l'ALÉNA, rebaptisé l'AEUMC à l'aboutissement du processus, ont connu leur dénouement à la dernière minute, dimanche soir, soit quelques heures avant la date limite du 1er octobre, fixée par les États-Unis.