Dans un entrepôt de Longueuil, la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, inspecte des rangées de boîtes de bicyclettes électriques destinées à des systèmes de vélos en libre-service  pour des villes comme Honolulu et Sao Paulo.

« Je n'essaierais même pas avec les Pays-Bas », a-t-elle lancé au chef de la direction de PBSC Urban Solutions. « Trop plat. »

Fort de nouvelles ententes en Espagne et en France, le fournisseur de solutions de vélo-partage illustre bien les possibilités offertes par l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE), conclu il y a un an.

Malgré tout, Mme Malmström estime que le manque de sensibilisation au Canada et la vague de nationalisme antimondialisation qui se fait sentir en Europe expliquent peut-être en partie la lenteur du pays à saisir les possibilités offertes par l'Accord économique et commercial global (AECG).

« Le plus gros obstacle, c'est que trop peu d'entreprises ont conscience de ses possibilités », a observé Mme Malmström lors d'un entretien avec La Presse canadienne, plus tôt cette semaine.

« Et nous avons une vague de gouvernements et de partis politiques assez nationalistes au sein de l'Union européenne. Nous essayons de vaincre ce sentiment d'antimondialisation - un sentiment réel, celui de gens qui se sentent laissés pour compte dans la crise économique. »

« Certains partis politiques se tournent vers le commerce pour rejeter le blâme », a-t-elle ajouté.

L'AECG est en vigueur à titre provisoire depuis un an. Il élimine les tarifs douaniers sur 98 % des marchandises circulant entre le Canada et l'UE, selon Affaires mondiales Canada.

Toutefois, d'après les données de Statistique Canada, les exportations canadiennes vers l'UE n'ont augmenté que de 1 % d'une année à l'autre au cours des 10 premiers mois ayant suivi la mise en oeuvre de l'AECG. Les importations de l'UE ont toutefois augmenté de plus de 12 % d'octobre à juillet, par rapport à la même période en 2016-2017.

« Cela montre que l'Europe a été un peu plus rapide que les entreprises canadiennes », observe Mark Agnew, directeur de la politique internationale à la Chambre de commerce du Canada.

« Une partie de l'argumentaire du Canada pour attirer les investissements étrangers réside dans l'accès au marché nord-américain. Et, évidemment, si l'Accord de libre-échange nord-américain n'est pas là, il devient un peu plus difficile de présenter cette idée aux investisseurs. »

La mise en place de relations et de chaînes d'approvisionnement prend du temps, souligne-t-il, et les Européens ont plus d'expérience dans la diversification des échanges commerciaux.

« Il est difficile d'être sur le marché et de chercher à s'entendre avec des acheteurs de l'autre côté de l'océan », estime M. Agnew.

Les relations tendues qu'entretiennent les États-Unis tant avec le Canada qu'avec l'UE - le président Donald Trump a imposé d'importants tarifs sur les importations d'acier et d'aluminium en mai - devraient souligner la nécessité de trouver davantage de partenaires commerciaux, ajoute-t-il.

Les exportations canadiennes d'aluminium vers l'UE ont augmenté de 206 % au cours des 10 mois ayant suivi le 21 septembre 2017, date à laquelle un droit de douane de 3 % a été supprimé. Les exportations de véhicules et de pièces automobiles vers l'Europe ont augmenté de 96 % grâce à la réduction de tarifs sur les automobiles, qui sont passées cette année de 10 % à 7,5 %. Ils seront progressivement supprimés d'ici 2024.

Résistance à l'AECG en Italie

Mme Malmström a souligné qu'il était toujours difficile d'établir un calendrier de ratification par les 28 États membres de l'UE, notamment parce que le gouvernement populiste italien, entré au pouvoir il y a sept mois, a exprimé des doutes sur l'accord.

« J'ai entendu et vu la rhétorique politique en Italie. Nous verrons s'ils veulent vraiment voter contre l'accord », a-t-elle dit.

La commissaire a indiqué qu'elle avait récemment rencontré la ministre italienne du Commerce, qui, selon elle, a insisté sur la nécessité d'un nouvel examen avant de voter sur l'AECG.

Les dispositions relatives à la protection des investisseurs, qui impliquent la création d'un nouveau système judiciaire pour résoudre les différends entre investisseurs et gouvernements, ne peuvent pas entrer en vigueur avant que les 28 États membres aient donné leur feu vert à l'accord.

Des détails techniques et réglementaires subsistent sur tout, des produits pharmaceutiques aux « indicateurs géographiques », qui font essentiellement breveter les noms locaux de produits européens, comme le fromage Roquefort et le champagne.

Mme Malmström estime que l'AECG, malgré ses obstacles persistants, a « rapproché le Canada et l'Union européenne ».

La commissaire Malmström se trouvait à Montréal cette semaine, en compagnie du ministre de la Diversification du commerce international, Jim Carr, pour la réunion inaugurale du comité mixte de l'AECG.

Mme Malmström et M. Carr ont pris la parole jeudi devant le Conseil des relations internationales de Montréal sur le thème « Le commerce international en période de crise ».