Le gouvernement Trudeau pourrait causer un tort considérable à l'industrie de la construction au pays en recourant à des mesures d'urgence pour protéger une autre industrie, celle de l'acier, afin d'éviter un afflux d'importations sur le marché canadien, soutient la Coalition canadienne de l'acier de construction (CCAC).

La CCAC, qui représente les fournisseurs, les fabricants, les centres de services et les importateurs d'acier de construction, a lancé cette mise en garde au ministre des Finances Bill Morneau après que ce dernier eut évoqué, mardi, la possibilité d'imposer des surtaxes ou des quotas d'importation afin d'éviter le dumping au pays d'acier en provenance de la Chine - une des conséquences attendues de l'imposition par Trump de tarifs douaniers américains qui frappent les exportations d'acier de plusieurs pays, dont le Canada.

Avant d'adopter de telles mesures, le ministre Morneau a lancé une période de consultation publique de 15 jours relativement à sept produits de l'acier, dont les importations sont en hausse depuis que les États-Unis ont imposé des tarifs de 25 %, une mesure qui a pour effet de déstabiliser l'industrie de l'acier à l'échelle planétaire.

M. Morneau a fait valoir que « le Canada risque de subir une "vague" de produits importés qui nuirait aux producteurs et travailleurs canadiens de l'acier » après avoir visité une usine métallurgique à Hamilton, en Ontario. Selon lui, les tarifs de 25 % imposés par les États-Unis au printemps dernier « représentent des circonstances exceptionnelles ».

« Effet catastrophique »

De toute évidence, le Canada veut éviter le délestage de produits importés plus abordables. Le gouvernement Trudeau tient aussi mordicus à éviter d'être accusé de servir de « porte d'entrée » à de l'acier à bas prix qui pourrait ensuite faire son entrée aux États-Unis.

Mais selon la CCAC, limiter les importations d'acier en provenance de l'Asie ou de la Turquie aurait un effet catastrophique, étant donné que l'industrie canadienne de l'acier est présentement incapable de répondre à la demande au pays. En tout, elle évalue qu'une telle mesure mettrait en péril plus de 60 000 emplois dans le secteur de la construction.

« Plusieurs pays sont touchés par les tarifs américains, mais en érigeant des barrières qui pourraient toucher le secteur de la construction, le gouvernement causerait lui-même du tort à l'économie canadienne. Cela pourrait entraîner l'annulation de projets et des coûts plus élevés pour la construction de ponts, de routes et de nouvelles maisons. Pour chaque emploi qu'il pourrait potentiellement protéger dans une usine de fabrication d'acier, il pourrait mettre en péril 10 emplois dans la construction », soutient Walter Koppelaar, PDG de Walters Group, un membre de la coalition.

L'industrie canadienne de la construction doit composer avec deux coups durs depuis l'imposition de tarifs douaniers par l'administration Trump : une hausse importante des prix de l'acier au pays et un problème d'approvisionnement. À titre d'exemple, l'industrie de la construction de la Colombie-Britannique dépend presque entièrement des importations d'acier des États-Unis et de l'Asie. Mais les importations en provenance des États-Unis ont chuté considérablement, l'industrie américaine cherchant d'abord et avant tout à satisfaire à la demande intérieure, en hausse depuis l'imposition de tarifs sur l'acier étranger.