L'économie canadienne a montré son endurance avec la publication, vendredi, de deux rapports qui ont témoigné d'un bond dans les ventes printanières des détaillants et de l'inflation la plus rapide en plus de six ans.

L'inflation annuelle a accéléré le mois dernier pour s'établir à 2,5%, en hausse par rapport à celle de 2,2% observée en mai, selon Statistique Canada. La croissance était particulièrement attribuable aux prix plus élevés de l'essence.

Dans une publication distincte, l'agence fédérale a signalé que les ventes des détaillants avaient progressé de 2,0% en mai, grâce à la performance des concessionnaires de véhicules et de pièces automobiles, ainsi que celle des stations-service. La valeur des ventes au détail s'était contractée de 0,9% en avril.

Des analystes ont estimé que ces chiffres résilients encourageraient probablement la Banque du Canada à poursuivre le resserrement de sa politique monétaire - ce qui pourrait signifier qu'une nouvelle hausse des taux d'intérêt aura lieu plus rapidement que prévu. La banque centrale a augmenté son taux directeur à 1,5% la semaine dernière. Il s'agissait de sa quatrième hausse dans la dernière année.

Cependant, certains experts s'attendent toujours à ce que l'incertitude croissante entourant les risques commerciaux - y compris l'intensification d'un conflit avec les États-Unis - force le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, à maintenir son approche prudente pour les prochaines hausses.

«(La banque) se tourne vers ses prévisions et vers la confirmation que ses prévisions sont en train de se concrétiser, ce qui sera certainement le cas à court terme», a avancé James Marple, économiste principal à la Banque TD, lors d'un entretien.

«(Cela) devrait leur donner un certain espoir de pouvoir continuer à augmenter lentement les taux. Alors, je dirais que, oui, la probabilité de voir une nouvelle hausse des taux cette année a augmenté avec la récente vague de données.»

Incertitude sur le commerce

M. Marple a cependant ajouté que chaque jour reste un «jeu d'équilibre» pour ce qui est de l'évolution de la politique commerciale. Pour cette raison, il indique qu'il est aussi possible que M. Poloz marque une pause pour le reste de 2018.

Royce Mendes et Katherine Judge, de la Banque CIBC, ont écrit dans une note de recherche que les chiffres de vendredi laissaient croire que la Banque du Canada modifiera son taux de nouveau cette année.

«Mais les banquiers centraux auraient besoin de voir la croissance résister à un certain nombre de vents contraires pour appuyer sur la détente», ont-ils écrit.

L'économie est confrontée à des inconnues considérables liées à la paralysie des négociations entourant l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et à l'introduction récente, par l'administration Trump, de tarifs sur les importations d'acier et d'aluminium en provenance du Canada. Ottawa a riposté avec des droits sur les importations américaines de métaux ainsi que sur des douzaines de produits de consommation.

Le président des États-Unis, Donald Trump, menace également d'imposer des tarifs sur les véhicules et les pièces automobiles, ce qui, selon plusieurs experts, pourrait avoir un effet dévastateur sur les économies et les emplois des deux côtés de la frontière. Jeudi, le gouvernement canadien a promis de répliquer à d'éventuels tarifs automobiles, si la menace de M. Trump devait se concrétiser.

Un sommet depuis février 2012

Des tarifs additionnels feraient augmenter les prix à la consommation pour les Canadiens et les Américains. Or, au Canada, les chiffres de vendredi montrent que l'inflation est déjà importante.

Outre le prix de l'essence, celui des billets d'avion, des aliments achetés au restaurant et des frais d'intérêt hypothécaires ont exercé une pression à la hausse sur l'indice des prix à la consommation. L'impact de ces hausses a été limité par la baisse des prix des services de téléphonie, des voyages organisés et de l'équipement et des appareils numériques.

Le niveau de l'inflation en juin était le plus élevé depuis février 2012, mois pendant lequel il avait atteint 2,6%. L'inflation s'éloigne par ailleurs de la cible privilégiée par la Banque du Canada, soit le point milieu de la fourchette comprise entre 1,0% et 3,0%.

Cependant, la banque centrale s'attendait à une accélération de l'inflation. La semaine dernière, elle a prédit que l'inflation atteindrait 2,5%, en raison de facteurs temporaires tels que la hausse des prix de l'essence, avant de redescendre à 2,0% dans la seconde moitié de 2019.

La Banque du Canada utilise notamment les hausses de taux d'intérêt comme un outil qui l'aide à empêcher l'inflation de grimper trop haut.

Le rapport de Statistique Canada montrait également que la moyenne des trois mesures de l'inflation de base au Canada - qui excluent les données plus volatiles comme les prix à la pompe -, a légèrement augmenté le mois dernier, passant de 1,9% à 1,96%. L'inflation sous-jacente est étroitement surveillée par la banque centrale.