Augmenter les taux d'intérêt au début d'une guerre commerciale dont les impacts pourraient être désastreux pour l'économie canadienne peut être risqué. C'est pourtant ce que fera la Banque du Canada mercredi, après avoir attendu six mois avant de poursuivre la normalisation de sa politique monétaire.

Les feux au vert

Tous les signaux que la Banque du Canada attendait avant de relancer son taux directeur à la hausse sont maintenant là. Le taux d'inflation est passé au-dessus de sa cible de 2% et les salaires ont recommencé à augmenter. Le marché de l'emploi a ralenti, mais il se porte bien et le taux de chômage est à son plus bas niveau en 40 ans. Enfin, les exportations et les investissements reprennent de la vigueur, après une stagnation qui a longtemps inquiété la banque centrale.

Un moment mal choisi

La plupart des économistes s'attendent donc à un relèvement du taux directeur mercredi. Récemment, les économistes de la Banque Nationale étaient les seuls à remettre en question la possibilité de cette hausse. «Au début d'une guerre commerciale et alors que l'économie internationale donne des signes de ralentissement inquiétants, nous trouvions que le moment était mal choisi, explique Paul-André Pinsonneault, économiste principal de la Banque Nationale. On pensait que la Banque du Canada était justifiée d'attendre».

Depuis, la Banque Nationale s'est ralliée au quasi consensus du marché, qui estime à 91%  les probabilités d'une hausse du taux directeur le 11 juillet.

Le danger d'attendre

Le taux directeur de la banque centrale devrait donc passer mercredi de 1,25 à 1,5%. Même à ce niveau, les taux canadiens restent parmi les plus bas des pays industrialisés, compte tenu de l'état de l'économie. Le danger pour la Banque du Canada, si elle choisissait la prudence et qu'elle décidait de rester sur la touche, serait d'être forcée plus tard à être plus agressive et à augmenter plus rapidement ses taux si l'économie continue sur sa lancée, ce que le gouverneur Stephen Poloz veut éviter à tout prix.

Fin de cycle

Les incertitudes qui entourent l'impact d'une guerre commerciale généralisée, qui s'ajoutent au difficile renouvellement de l'Accord de libre-échange nord-américain, continuent probablement de nuire au sommeil du gouverneur de la banque centrale. Selon Francis Généreux, économiste chez Desjardins, «une levée généralisée des tarifs serait très dommageable pour l'économie mondiale». Cet effet serait particulièrement négatif pour les petites économies ouvertes au commerce extérieur, comme le Canada.

Ce conflit commercial arrive à la fin d'un très long cycle de croissance économique, et il pourrait y mettre fin de façon abrupte, estime-t-il.

Après la hausse, une pause

Nombreux sont les spécialistes qui croient que la Banque du Canada prendra une pause après la hausse prévue pour faire le plein d'informations sur les impacts de la guerre commerciale en cours entre le Canada et les États-Unis et entre les États-Unis, l'Europe et la Chine.

La Financière Banque Nationale avait prévu que le taux directeur de la Banque du Canada finirait l'année 2018 à 1,75%, ce qui impliquait deux hausses de taux à venir. Ses économistes croient maintenant que la hausse de mercredi pourrait être la dernière cette année. «C'est ce qu'on a tendance à penser actuellement», dit l'économiste Paul-André Pinsonneault, qui précise que le degré d'incertitude reste élevé et qu'on pourrait y voir plus clair après le rapport sur la politique monétaire que livrera mercredi le gouverneur Stephen Poloz.