Le premier ministre Justin Trudeau a laissé entendre, jeudi, que son gouvernement avait bloqué la prise de contrôle par la Chine d'un géant de la construction au Canada dans le but de maintenir un contrôle canadien dans un secteur industriel clé de l'économie.

En invoquant «la sécurité nationale», le gouvernement libéral a annoncé mercredi soir qu'il rejetait le projet d'acquisition du Groupe Aecon par la société d'État chinoise CCCC International Holding, une transaction évaluée à 1,5 milliard.

De passage à La Malbaie, jeudi, M. Trudeau a déclaré aux journalistes qu'il ne dévoilerait pas de détails sur le processus décisionnel secret du cabinet. Mais il a tout de même cité le cas de l'Australie, où on s'est «soudainement rendu compte qu'une partie importante du réseau énergétique, par exemple, était détenue et contrôlée par un gouvernement étranger».

«Il y aura toujours des inquiétudes quant à la capacité d'un pays à continuer de protéger et de fournir des services essentiels à ses citoyens d'une manière qui renforce et maintient leur propre souveraineté», a déclaré M. Trudeau. «Et cela nécessite de la réflexion et beaucoup de soins.»

M. Trudeau a souligné la nécessité de défendre les intérêts canadiens, affirmant que face à la Chine, le Canada devait conclure un accord commercial «qui établit des règles et des attentes claires».

Les conservateurs et les néo-démocrates ont appuyé la décision du gouvernement de rejeter la prise de contrôle projetée. Le député conservateur Tony Clement a qualifié cette décision de «responsable», en se demandant si d'autres entreprises chinoises n'achètent pas en douce des actifs canadiens stratégiques. Le député néo-démocrate Brian Masse estime quant à lui qu'Ottawa a mis trop de temps à prendre cette décision.

L'ambassadeur de la Chine au Canada, Lu Shaye, s'est dit très déçu de l'opposition du gouvernement Trudeau à la transaction et a dit espérer qu'elle n'était pas motivée par des «préjugés» envers les entreprises contrôlées par l'État chinois.

Lu Shaye a déclaré à La Presse canadienne, jeudi, que les entreprises sous contrôle de l'État chinois, comme CCCC, ne sont pas différentes des multinationales occidentales. Il soutient qu'elles cherchent simplement à augmenter leurs profits en respectant les règles du marché.

Des préjugés?

En insistant sur le fait qu'il y a peu de différences dans la façon dont les entreprises chinoises fonctionnent, l'ambassadeur chinois a répété que si la transaction avait avorté parce que l'acquéreur potentiel est une société d'État, cela signifie que la décision est fondée sur des «préjugés».

«Les entreprises d'État chinoises ne sont pas fautives. Elles ont fait de grandes contributions pour préserver le bien-être du peuple chinois», a dit l'ambassadeur Lu par l'entremise d'un interprète à l'ambassade d'Ottawa.

«Nous trouvons vraiment dommage de ne pas avoir pu conclure une si bonne transaction», a-t-il déploré.

D'après l'ambassadeur, l'entente aurait été bénéfique pour les deux entreprises, mais il reconnaît que c'est le «droit souverain» du Canada de bloquer la prise de contrôle des entreprises sur son territoire. Malgré cette décision, Lu Shaye assure que le gouvernement chinois demeure engagé à renforcer ses liens de coopération avec le Canada.