Le gouvernement canadien a tellement voulu orchestrer ses manoeuvres dans le dossier de l'ALENA qu'à un certain moment, il a soufflé les réponses aux provinces et territoires afin que tous les partenaires parlent d'une même voix.

L'examen de la boîte de courriels du négociateur en chef canadien, Steve Verheul, révèle que le ministère des Affaires étrangères avait déjà préparé des réactions dès la publication, l'été dernier, des objectifs américains dans ce processus de renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). La Presse canadienne a obtenu le contenu de cette boîte de courriels en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le petit aide-mémoire reprend des faits et chiffres sur les avantages que les États-Unis tirent du commerce avec le Canada, mais suggère aussi d'éviter de commenter directement les objectifs dévoilés par le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, le 17 juillet.

Les Américains souhaitaient alors maintenir leurs mesures protectionnistes, rehausser les limites au-delà desquelles les Canadiens qui achètent en ligne doivent payer des droits de douane, et permettre aux agriculteurs américains un plus large accès au marché canadien protégé par un système de gestion de l'offre - notamment pour les produits laitiers.

L'aide-mémoire conseillait par exemple de préciser que les souhaits américains constituent « des objectifs », qui ne seront pas nécessairement atteints, et que « le Canada est impatient de négocier avec Mexico et Washington afin de moderniser l'ALENA ».

Le document ne précise pas, par ailleurs, les demandes canadiennes, au-delà de vagues phrases sur la modernisation du commerce en ligne ou sur des mesures de facilitation douanière. Ottawa rappelle que les Américains, eux, sont tenus par la loi de publier leurs objectifs, afin que le Congrès en soit informé avant le début des négociations.

Le gouvernement fédéral s'attendait par ailleurs à ce que les provinces soulignent l'occasion qui était offerte d'incorporer dans ces négociations un ordre du jour « progressiste » - notamment l'égalité hommes-femmes et les droits des Autochtones.

Un responsable au sein du gouvernement a expliqué vendredi que ces négociations sont de compétence fédérale, mais qu'il est normal de mettre dans le coup les provinces et territoires à chaque étape du processus.